dimanche 18 mars 2012

Les zones de sécurité prioritaires

Les zones de sécurité prioritaires: quels quartiers, quels moyens?


24 janvier 2012


François Hollande a repris, jeudi 26 janvier, dans ses 60 engagements, la promesse du Parti socialiste de créer des zones de sécurité prioritaires. Il en avait déjà fait sa proposition "sécurité" de la journée au Bourget, dimanche.
"La sécurité est un droit et je le ferai respecter en créant des zones de sécurité prioritaires là où il y a les taux de délinquance les plus élevés, en mettant des postes supplémentaires, 1000 chaque année, dans la justice, dans la police, dans la gendarmerie, en rapprochant les forces de l’ordre des citoyens"
Première remarque, au passage. Il n'est définitivement plus question d'embaucher 10000 policiers et gendarmes comme promis dans le programme du PS, mais 5000 - en incluant, en plus, la justice, donc. François Rebsamen, chargé de la sécurité dans la campagne du candidat socialiste, l'a confirmé, lundi soir, lors d'un débat avec le ministre de l'intérieur sur Public Sénat.
Une zone de sécurité prioritaire, c'est quoi? Le concept est issu des 22 propositions du Forum des idées de Créteil sur la sécurité organisé par le PS le 17 novembre 2010.
"Nous définirons des 'zones de sécurité prioritaires' dans lesquelles un traitement curatif préalable sera engagé et qui mobilisera, durant tout le temps nécessaire, les services de répression et de renseignement concernés par la lutte contre l’économie souterraine et les violences urbaines. Il s’agira d’identifier, d’interpeller et de déférer les auteurs de trafics ou de violence qui se sont appropriés le territoire.
Dans chaque 'zone de sécurité prioritaire', un magistrat du parquet sera spécialisé et désigné comme référent des forces de sécurité. Les groupes locaux de traitement de la délinquance y seront relancés."
François Rebsamen, Bruno Le Roux, Jean-Jacques Urvoas
Concrètement, François Rebsamen, sénateur et maire de Dijon,  qui a annoncé plus de détails dès jeudi 26, avec la conférence de presse de François Hollande, a développé, dans le quotidien régional Le Bien Public, le concept:
"Des CRS ou des gendarmes mobiles seraient installés de manière pérenne pour sécuriser le quartier." 
Les CRS "pourraient rester un, deux, trois, quatre, cinq mois… s’il le faut", explique plus loin M. Rebsamen. Cette proposition renvoie à... avril 1999, lorsque le conseil de sécurité intérieure présidé par le premier ministre Lionel Jospin (le ministre de l'intérieur est alors Jean-Pierre Chevènement) avait annoncé l'affectation de 3000 CRS et gendarmes mobiles à des "missions de fidélisation" dans les quartiers sensibles, accélérant une tendance lourde qui date des épisodes de violences urbaines du début des années 1990. La durée de cette "sédentarisation" avait alors été fixée à six mois. Le but: la lutte contre les violences urbaines, et l'accompagnement de la mise en place de la police de proximité, gourmande en effectifs.
Nicolas Sarkozy a repris à son compte, en 2002, cette stratégie. Les CRS sont donc largement utilisés dans ce qu'on nomme aujourd'hui les "missions de sécurisation". Dans son rapport de juillet 2011, la Cour des comptes notait qu'en 2010, en moyenne, 18,6 unités/jour étaient affectées à ce type de mission, contre 12,6 pour le maintien de l'ordre. La proportion est la même pour les gendarmes mobiles.
Mais les CRS, ça coûte cher:  en déplacement, ils sont logés et nourris gratuitement, ils reçoivent l’indemnité journalière d’absence temporaire (IJAT, 30 euros/jour) et 9,25 euros par heure supplémentaire. Depuis 2007, si les ministres de l'intérieur continuent donc à faire largement appel à cette solution (pratique, répétons-le, quand les effectifs globaux baissent), ils ont également opté pour le développement d'unités spécifiques (unités territoriales de quartier, UTeQ, puis brigades spéciales de terrain, BST), avec un bilan mitigé.
Le débat sur l'opportunité d'utiliser des CRS lourdement équipés à des missions de sécurisation, ce qui est mal vécu par les habitants des cités, sera probablement relancé. Tout dépendra en fait du mode d'utilisation des ces policiers. A Marseille, le préfet délégué à la sécurité, Alain Gardère, est parvenu à les faire patrouiller deux par deux, avec des policiers de sécurité publique. A suivre.
 "Une mission interministérielle piloterait l’action des douanes, des finances… Je n’oublie pas, avec ce volet, la prévention." (toujours dans Le Bien Public)
Là aussi, François Rebsamen devra préciser. Tel que, cela fait penser aux GIR, les groupes d'intervention régionaux réunissant policiers, gendarmes, agents du fisc et des douanes. Ils ont été créés en 2002 par Nicolas Sarkozy pour "se consacrer à des actions en profondeur de lutte contre l'économie souterraine" et permettre "le retour de la présence policière dans des zones où elle n'avait plus droit de cité". Il y en a une trentaine en France.
Au Forum des idées de Créteil, 17 novembre 2010
Enfin, qui choisirait ces zones, et combien seraient-elles? Le 29 novembre 2011, François Rebsamen avait indiqué au Monde que 100 zones seraient créées. Il a affirmé, dans Le Bien Public, que le Parlement se chargerait de choisir. Sage décision: on imagine la concurrence qui pourra naître entre les élus pour obtenir ces moyens supplémentaires. Il existe, par exemple, 750 zones urbaines sensibles en France... Autant de candidats potentiels.
Selon l'Observatoire des zones urbaines sensibles (Onzus), dans ces quartiers, le sentiment d'insécurité est en moyenne le double du taux moyen en France (28% contre 13% en 2011) et 51,1% des habitants jugent l'action de la police inefficace, selon l'Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP). Mais le niveau de délinquance est très variable: "Selon les régions, en 2010, le taux de faits constatés varie d’un taux moyen de 21,4 pour 1000 habitants dans les ZUS d’Auvergne à 68,5 pour 1000 pour celles du Nord-Pas-de-Calais", explique l'Onzus.
Autre élément parfois oublié: la délinquance enregistrée est plus importante dans les circonscriptions dont dépendent les quartiers difficiles que dans les quartiers difficiles eux-mêmes. Logique: pour qu'il y ait un vol, il faut qu'il y ait un voleur mais il faut aussi qu'il y ait une victime avec quelque chose à voler - ce qui est plus le cas dans les quartiers pavillonnaires ou les centres-villes qui jouxtent les cités que dans les cités elles-mêmes. Ce qui explique - plus que la dangerosité supposée des quartiers - que les cités ne soient pas une priorité en terme de patrouilles pour les responsables policiers locaux. Les commissaires souhaitent avant tout faire baisser les atteintes aux biens, qui constituent plus de 60% des chiffres de la délinquance.
Evidemment, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de délinquance "réelle" dans ces quartiers, et notamment du trafic de drogue. Mais celui-ci pèse peu dans les statistiques...

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