mercredi 28 avril 2004

Décentraliser les compétences Habitat et les lier à l’Urbain

La ville est indissoluble de l’habitat il faut ramener les compétences à la même échelle.
Le rôle de l’état se restructure sur l’aide à la personne (solidarité nationale), la construction de process et de produits aidés et la constitution des savoir-faire (la construction d’équipes de production de l’habitat –maîtrises d’œuvres et d’ouvrage – nécessite des compétences à réinventer).

Celui des collectivités se dégage sur l’urbanisme et l’habitat. La politique contractuelle va supplanter, ou – mieux – compléter une politique réglementaire que chacun espère allégée.

D’autres logiques vont se dégager, d’autres pratiques, des expérimentations vont enrichir le savoir collectif. Bref, le changement ne fait que commencer. Il est souhaitable et probable que les modifications fonctionnelles produisent la renaissance du sens sur les fonctions d’habiter et d’habiter ensemble dans la ville
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Les HLM : un outil coincé


En France, l’innovation en matière d’habitat fut l’apanage des HLM durant un demi-siècle. L’outil a bien servi, il a aussi beaucoup souffert. Il est temps pour la nation de passer à nouveau contrat avec le mouvement HLM.
Avant tout, il faut décider, en débat public, quelles seront ses missions. Les paradoxes qui firent sa richesse sont devenus contradictions. Ensuite, il faut fixer les limites et organiser la restructuration (actuellement presque un millier de centres de décisions)
Les paradoxes sont classiques mais insolubles et paralysants : accueillir les ex-migrants en priorité mais mixer les populations, favoriser l’intégration mais exiger l’insertion, ne plus pratiquer l’accession à la propriété mais faire des opérations mixtes, multiplier l’accompagnement et la présence mais contenir les charges, etc….
La spécialisation des structures de gestion dans l’accueil des plus démunis est acceptable comme priorité mais suicidaire comme exclusivité. La mixité sociale est alors impossible. Il faut des populations moyennes dans les HLM pour intégrer les autres sinon seule l’incantation reste possible. L’ascenseur social est certes en panne mais ses relais immobiliers sont devenus, de ce fait, des poches de captivité sociale.
Trois métiers caractérisent les structures HLM,
  • la propriété qui permet la mutualisation,
  • la production qui garantira l’efficacité sociale et urbaine du parc à venir,
  • la gestion qui multiplie l’action régulatrice.
Les structures sociales de propriété doivent être parfois adossées mais l’OPA de l’UESL est une fausse solution car elle fixe un schéma essentiellement centralisé qui apparaîtra vite comme archaïque. Un rapprochement des structures avec les échelles de leur activité serait préférable, la région est infiniment plus porteuse que le national.
La production est le gage d’une fabrication de cadres de vie, socialement ouverts, dans le tissu urbain. Pour cela il faut probablement inciter les outils de maîtrise d’ouvrage à quitter le giron des organismes désormais trop spécialisés dans un seul segment. Une production plus large dans les gammes sera garante de mixité et d’efficacité sans pour autant porter atteinte au produit (un logement HLM est – et doit rester - similaire – parfois même meilleur – qu’un logement ordinaire)
La gestion est désormais le point le plus fort de ces organismes il suffit de les aider à se relocaliser et à dynamiser leurs présences sur le terrain en échangeant des patrimoines
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Les quartiers une question de société

La déshérence de quelques quartiers, généralement périphériques et massivement fournis en logements sociaux, est explosive. Elle participe à la déchirure sociale. L’action pour y remédier doit être symbolique, efficace, crédible et continue.
Depuis l’été 2003, la volonté est posée, les moyens seront peut être là mais pour quoi faire ?

Il y aurait une sorte de consensus pour refaire proprement ces quartiers sans en changer les populations. C’est un aveu d’échec. La vraie difficulté ne vient pas des bâtiments, de l’urbanisme, de l’école etc.. Elle vient des populations. Seuls les états de concentration des familles en difficultés, les images collectives et le sentiment d’abandon expliquent ce qui de malaise devient désormais une catastrophe humaine.

Ce ne sont donc pas des architectures élégantes ou des aménagements coûteux qui régleront la difficulté mais une réintégration de ces espaces qui n’ont jamais pu être des morceaux de ville dans le tissu social et urbain. Certes l’échelle des bâtiments, l’absence d’ancrage et le sous équipement ont favorisé la déchéance mais leur correction ne suffira pas. Dans les cas de désagrégation avancée la démolition sera nécessaire, non qu’elle soit souhaitée par la population ou techniquement indispensable mais il faut un symbole fort de rupture.

Après avoir fait, une fois encore, tabula rasa il faut une science raffinée et une volonté politique exceptionnelle pour rattacher ces espaces à la ville, ouvrir son accès aux autres et en permettre une sortie valorisante aux habitants traumatisés. La résilience des lieux n’est pas chose facile ou rapide.

Où sont les professionnels compétents ?

Eclater la rigidité statutaire

Suivant les cas, l’habitant est soit propriétaire soit locataire, hormis cette dualité il n’y a point de possibilité.
Apres avoir dogmatiquement sacralisé le statut de locataire ou précipité les ménages moyens dans les affres de l’endettement, il serait temps de réfléchir sainement, en écoutant les habitants et avec un peu d’imagination.Les deux statuts ont leurs avantages mais indéniablement la situation de locataire favorise la mobilité professionnelle et celui de propriétaire la responsabilisation. Il y a certainement des possibilités, avec des taux d’intérêt bas, pour favoriser des systèmes de location acquisition, d’achats partiels et réversibles.

Il faut briser l’amalgame : pas riche donc locataire donc logement collectif ou propriétaire, car fortuné, et en maison individuelle. Une action dans le sens de la durabilité patrimoniale favoriserait la flexibilité de ces statuts, leur réversibilité suivant les aléas de la vie et les priorités des ménages.

De même un passage maîtrisé et accompagné des populations captives des logements (et des quartiers) HLM, vers la propriété de leur résidence, donnerait souplesse et moyens à ce parc.

Réfléchir aux produits

La conception de l’habitat a connu une rupture forte avec la modernité. Son industrialisation massive avec une conception, primitive, de l’urbanisme a participé à un mouvement de recul. Désormais la conception de l’habitat et plus grave encore, son rapport à la ville repose essentiellement sur des savoirs du XIX ème siècle et en grande partie Haussmanniens.


Il faut nous re-cultiver collectivement sur l’habitat dans la ville et reconsidérer ensemble nos savoirs et nos priorités. Hélas si l’outil économique et industriel peut rapidement se mettre en ordre, l’enseignement et les pratiques conceptuelles sont à reconstruire : les écoles d’Architecture et d’ingénieries n’abordent qu’anecdotiquement ces questions. L’”équipement”, outil administratif plutôt bon, se noie depuis deux décennies dans des “tuyauteries” contradictoires, à l’exception, notable, du PUCA.

Les enjeux sont considérables, ce sont ceux du cadre de vie et du développement durable. Le décalage par rapport aux pays voisins (Pays Bas, Allemagne, Suède, Danemark, Autriche, Italie, Espagne) est grandissant.

Un produit fiscal


Au fil des ans, de produit d’investissement, l’habitat devient un outil fiscal, si l’on excepte l’accession pour résidence principale.
La stratégie de bas de laine en pierre est cycliquement l’objet d’incitations fiscales, dont une des plus typiques fut le “Périssol” Cependant les incitations sont souvent aussi fulgurantes que coûteuses pour l’état. La filière habitat souffre doublement d’abord de l’éruption de demandes puis de leur effondrement. Ce système fait monter les prix et cible, sur des produits artificiels (les petits logements en particulier), des réalisations qui doivent plus à l’esprit de spéculation qu’à la bonne gestion. En bilan, le risque d’enrichir l’intermédiaire et de dégoûter une génération d’investisseurs est considérable.

La pertinence de l’habitat pour développer le placement de père de famille est pourtant indiscutable. Ce poste de revenu pour les futurs retraités sera bien opportun le temps venu. De plus, ce type d’investissement profite au tissu des entreprises à forte valeur ajoutée en emplois et participe à la mise en place d’un niveau d’équipement pérenne et d’usage simple.

Seule une politique durable et crédible dans le temps peut soutenir positivement un dispositif de recréation et de valorisation permanentes du tissu d’habitats.

Le logement social est dans le marché


Une croyance, non dite, considère qu’il y a deux filières de logements : le logement social et le privé. La réalité est toute différente : certains logements HLM (près de 40 %) sont de statut privé, il y eut, aussi, longtemps une filière d’accession sociale à la propriété.
Surtout, l’habitat social est dans un ensemble de marchés. Les opérateurs sont en compétition, les produits sont en concurrence avec ceux, banalisés, d’opérateurs divers dont des investisseurs familiaux.

La situation de l’Ile de France est différente mais occulte, une fois n’est pas coutume, celle du reste du pays.

Cette situation de superposition et de continuité des marchés est constante. Cependant, la disparition d’une grande partie du parc social de fait - qui s’en plaindrait - a cantonné les HLM dans un rôle d’exclusivité sociale. La bonne conscience collective y a trouvé un coupable tout désigné pour expliquer la déchéance des quartiers de »grands ensembles»

Habitat ou logement


Il faut arrêter de parler de logement et ouvrir le débat sur l’habitat. L’approche logement date de l’après guerre et fait appel à des questions quantitatives, sanitaires et industrielles. Désormais, en grande majorité, les questions à régler sont sociales, sociétales, urbaines et environnementales.

Parler de logement amène à envisager l’habitat déconnecté de la ville et des habitants.

Habitat nécessite d’ouvrir les dossiers localement, de faire des choix décentralisés, d’opter pour des politiques variées, adaptées aux difficultés régionales et aux choix des élus locaux.