mercredi 9 mars 2011

Contribution sur la maitrise d'œuvre urbaine en projet de renouvellement


L'idée permanente selon laquelle le projet pour être mené à bien et coordonné efficacement doit être conduit par un urbaniste en chef, missionné sur la durée et investi de la confiance du décideur – porteur du projet, doit sinon être vérifiée, au moins analysée.

Il apparaît, à la suite d'entretiens avec des maitres d'œuvre urbains et de constats de terrain que le principe est plus complexe que formulé plus haut.
On notera que, lors de nos investigations, seuls 40% des maitres d'œuvre étaient encore missionnés au moment de l'entretien.
Signalons la confirmation du principe cité plus haut : 
Dès que la mission du concepteur prend fin et n'est pas confiée à un autre urbaniste d'autorité, les désordres dans la mise en ordre des opérations immobilières comme dans l'espace public sont beaucoup plus fréquents. La conception de chaque objet domine alors rapidement la cohérence urbaine et affaiblit la recomposition en cours. La qualité globale du renouvellement en souffre d'évidence. 
Si le concepteur initial se laisse cantonner à la fonction d'expression des priorités de chacun, sans soit scénariser les futurs possibles, soit sans expliciter les choix à faire, la stratégie de renouvellement se dilue rapidement. Dans nombre de cas la radicalité du projet, gage d'efficacité est initialement portée avec vigueur par le concepteur. 
La faiblesse des cahiers des charges, voire leur absence, débouche inévitablement sur un affaiblissement des principes de régénération du site et une dispersion des priorités.
Signalons comme infirmation ou nuance :
· Dans un des cas, le cap est tenu par le maitre d'ouvrage, cet élément n'apparaît pas immédiatement mais à la lecture spatiale et durant les explications des acteurs, on constate une forte diversité d'intervenants maitres d'œuvre, tous de qualité, mais sans autorité l'un sur l'autre. L'exception ne s'explique que par la présence historique et influente d'un homme de l'art, ayant construit et structuré la stratégie menée par les élus. De plus une maitrise d'ouvrage fortement aguerrie (ville et bailleur) cadre fortement le processus.
· Dans un autre cas , la présence du maitre d'œuvre est tellement forte qu'il nous a semblé que la maitrise d'ouvrage risquait le manque de recul.
En conséquence, il apparaît que :
· La maitrise d'œuvre ne peut se substituer à la maitrise d'ouvrage, mais elle participe à sa mise en compétence et sa conscience des différents aspects du projet. Souvent c'est elle qui tient l'histoire du projet, et par sa maitrise des éléments graphiques décrit seule le déroulement logique des arbitrages spatiaux.
· La maitrise d'ouvrage ne peut jamais se substituer à la maitrise d'œuvre. Au mieux elle peut l'organiser et donc la démultiplier, mais cela demande une compétence considérable et des individus de grande valeur et en maturité, vis à vis des édiles.
· Le fractionnement de la maitrise d'œuvre urbaine (conception, mission de suivi des projets, maitrise d'œuvre des espaces publics, tenue du plan directeur) représente un risque important d'effondrement de la qualité urbaine. Celui ci ne doit être pris qu'en cas de divergences importantes et d'impossibilités d'œuvrer harmonieusement vers le projet. En tous cas, la mission doit être effectuée, si possible par un acteur extérieur aux porteurs et impérativement par un professionnel de l'espace (urbaniste assurément mais d'origine architecte ou paysagiste, averti de la conception)
· Le rôle de l'urbaniste en chef demande aux architectes de se défaire de la prédominance de maitrise d'œuvre architecturale. Le métier est spécifique et exige une attitude orientée vers la globalité du projet et la cohérence de l'action sur le territoire. De plus, il demande autorité et pédagogie. Une bonne partie de la mission consiste à accompagner la maitrise d'ouvrage dans la définition des priorités du projet, puis à maintenir le cap durant les périodes, normales, de remise en question des éléments du projet. Un autre pan de la fonction comprend la défense du projet urbain face aux maitrises d'œuvre spécifiques, immobilières ou paysagères, même et surtout celles des services techniques.
En conclusion,
· Le rôle de l'urbaniste en chef est difficile et long, voire parfois frustrant (face à la maitrise d'œuvre immobilière) mais indispensable pour la cohérence et la qualité urbaine.
· La conception ne s'arrête pas à la fabrication du plan guide, elle se décline tout au long du renouvellement physique. Le projet doit être réinterrogé en permanence.
· Il y aurait intérêt à jumeler la conception urbaine désormais bien synchronisée avec la conception immobilière, grâce aux cahiers des charges, à la conception de la gestion urbaine sous des processus à expérimenter.
· Si tous les urbanistes en chef, nous sont apparus toujours très passionnés, une majorité exprimait un sentiment d'insatisfaction sur les arbitrages rendus et parfois sur les suites données à leurs missions (indépendamment des marchés non renouvelés). La frustration de n'avoir pu maitriser totalement le processus, préoccupation forte qui est cohérente avec l'aspiration commune des architectes à l'œuvre complète et achevée, explique sans doute ce sentiment. Cependant, la formulation fréquente de "gâchis" dans la mise en œuvre du projet n'est pas à balayer.
· Si les chefs de projet et les opérateurs immobiliers Hlm, ont désormais la possibilité de se former grâce à l'Ecole de la Rénovation Urbaine, il n'en est pas de même des acteurs de la maitrise d'œuvre urbaine. L'expérience personnelle prévaut, elle est souvent de grande qualité mais les acquis de la décennie sont forts nombreux et peu mis en commun par professionnels de la maitrise d'œuvre urbaine. Les équipes maitrisent un excellent niveau théorique et des capacités professionnelles importantes, il y aurait cependant intérêt à ce que la génération montante puisse capitaliser autrement que strictement dans l'agence d'emploi.


La gradation de l'autorité déployée par le concepteur urbain, dans notre ressenti, a des effets différents suivant le portage de la maitrise d'ouvrage, tant de la ville que des bailleurs – opérateurs.
Si l'on décrit le spectre des personnalités et mission les extrêmes sont tenus par :
· Le "maitre" ayant analysé et sachant ce qui est nécessaire et fabricant un discours complet sur la totalité du territoire avec une vision fortement globalisante. Il maitrise directement le processus, sa mise en œuvre et sa communication.
· Le bureau d'étude missionné pour tracer un plan d'action, avec quelques options et dont le travail est essentiellement porté par l'analyse de la maitrise d'ouvrage. De fait il n'interroge pas la stratégie urbaine, parfois implicite, de la collectivité. Sa position ne se justifie que pour faire un "dossier ANRU"
Au milieu de ces postures se trouvent les acteurs méthodiques et attentifs qui construisent une analyse urbaine rigoureuse, un diagnostic multidisciplinaire, fabriquent des scénarisations subtiles pour que les acteurs s'approprient le processus et l'imprègnent de leurs valeurs. Ils conduisent le projet avec opiniâtreté dans un rapport de complémentarité avec le chef de projet. Leurs qualités sont apparemment contradictoires, fermeté et écoute des partenaires, défenseur du plan guide et de la qualité publique mais ouverts aux évolutions et capables de saisir toutes les opportunités. Souvent ce travail est effectué par un binôme, patron d'agence et chargé de projet, capitalisant ainsi les avantages des deux profils.
Signalons également des cas de figure spécifiques, ceux ou la mission est partagée entre plusieurs bureaux. Ce formidable démultiplicateur ne fonctionne cependant que dans le cas de maitrises d'ouvrage puissantes et dotées de permanence sure (collectivité, bailleur et aménageur). D'évidence ce modèle peut fonctionner mais il ne peut être généralisé. Sa cohérence ne se justifie que quand le territoire est déjà appréhendé et géré avec ce système. Notons également qu'il ne peut être aussi performant économiquement que le processus courant complet, car il nécessite d'importants moments de transmission.

mardi 8 mars 2011

Tous propriétaires : la fin d'un mythe

LE MONDE ECONOMIE | 07.03.11 | 16h31 • Mis à jour le 07.03.11 | 17h41




La "une" du "Monde Economie" du 8 mars 2011.
La "une" du "Monde Economie" du 8 mars 2011.DR

Quand cela va-t-il s'arrêter ? Une interrogation qui taraude les Français devant la flambée des prix dans la capitale, de 146 % depuis 2000, et de 17,5 % pour la seule année 2010.
A l'échelon national, la hausse moyenne, en 2010, est de 9,5 % et, en Ile-de-France, de 12,1 %. En dix ans, les prix ont plus que doublé (+109 %), tandis que les revenus, eux, ne progressaient que de 45 %.
"Il est urgent de stabiliser le prix des logements, comme c'est le cas en Allemagne depuis longtemps, et de revenir à une corrélation avec les revenus", demande Christian Lefebvre, président de la chambre des notaires de Paris, dans une tribune publiée dans Les Echos, une revendication plutôt rare de la part d'un professionnel de l'immobilier.
Les associations de locataires, comme Consommation, Logement, Cadre de vie (CLCV) ou la Fondation Abbé-Pierre réclament, plus précisément, un encadrement ou un plafonnement des loyers.
Une politique de maîtrise des prix serait d'ailleurs très populaire, car l'accès de plus en plus difficile au logement inquiète les Français, comme le montre le sondage réalisé par TNS Sofres pour Nexity, publié le 22 février (réalisé les 3 et 4 janvier, auprès de 1 000 personnes représentatives de la population).
Les Français s'y montrent de plus en plus pessimistes, puisque seules 16 % des personnes interrogées estiment que la situation du logement va s'améliorer, la plus faible proportion depuis six ans.
ACCESSION A LA PROPRIÉTÉ CONTRARIÉE
En dépit des exhortations présidentielles, l'accession à la propriété progresse peu en France, précisément contrariée par la hausse des prix. Elle recule même dans les classes populaires, puisque le taux de propriétaires parmi les 30 % des ménages les plus pauvres a dégringolé, de 46 % en 1981 à 33 % en 2007, tandis que parmi le tiers des ménages les plus riches, il progressait, dans le même temps, de 51 % à 70 %.
Selon l'observatoire CréditLogement, acheter sa résidence principale coûte en moyenne 4,6 années de revenus en 2010, contre 3,2 seulement fin 2000. La cherté des logements angoisse les jeunes, qui désespèrent de devenir propriétaires, et pénalise l'attractivité économique d'un pays, d'une ville.
Le fait, par exemple, de pouvoir se loger facilement et à prix raisonnable en Allemagne est l'un des éléments de la compétitivité économique de ce pays.
En France, certaines villes trop chères, sur la Côte d'Azur ou près de la Suisse, peinent à attirer salariés et fonctionnaires, bien utiles pour faire fonctionner la cité. Marc Daunis, sénateur et maire (PS) de Valbonne (Alpes-Maritimes), remarque que "nombre de fonctionnaires refusent de venir travailler chez nous à cause de la cherté des logements".
Les classes moyennes sont donc chassées des centres-villes et vont se réfugier en périphérie, où elles propagent la hausse des prix et contribuent à l'étalement urbain. Le phénomène est clairement visible en Ile-de-France, avec une contagion de l'inflation immobilière du centre, Paris, vers sa grande banlieue.
Jamais, cependant, les Français n'ont tant acheté, puisque le nombre de ventes, en 2010, devrait dépasser 760 000, pas loin du record de 2007 (820 000). Ce paradoxe repose sur trois éléments.
Parmi les acheteurs, la part de ceux qui sont déjà propriétaires et revendent pour acheter ne cesse d'augmenter. Ces "secundo-accédants", totalement ou partiellement immunisés contre l'inflation immobilière, représentent deux acheteurs sur trois dans le marché de l'ancien.
VANNES DU CRÉDIT

Ce n'est pas un hasard si les pays qui ont connu une très forte poussée des prix des logements sont aussi ceux où la proportion de propriétaires est la plus forte, comme au Royaume-Uni (68,5 %), en Norvège (75,8 %), en Irlande (77,7 %), en Islande (82,5 %), en Espagne (83,3 %) et en Hongrie (86,5 %).
La France occupe une position médiane, avec 57,2 % de propriétaires, tandis que l'Allemagne (44 %) n'a pas subi de telle hausse. Le lien entre instabilité des prix et taux de propriétaires n'est cependant pas mécanique.
Un deuxième facteur, plus puissant encore, est l'ouverture des vannes du crédit avec, en 2010, les taux les plus bas depuis quinze ans, un emprunteur pouvant décrocher un crédit sur 20 ans à 3,5 %.
L'allongement de la durée des emprunts a aussi un fort effet solvabilisateur : selon Créditlogement, les emprunteurs des années 2000 s'endettaient pour 15 ans en moyenne, et plus de 17,5 ans aujourd'hui. Et plus d'un quart des acquéreurs, notamment les jeunes, s'endettent pour plus de 25 ans, alors qu'ils n'étaient que 0,8 % en 2000.
Devenir propriétaire en France n'est donc possible qu'au prix d'un endettement massif des ménages, passé, selon l'Insee, de 53,2 % du revenu disponible en 2000 à 77,3 % fin 2010. C'est moins que nos voisins, notamment anglais, endettés à plus de 140 %, ou espagnols (124,2 %), mais l'augmentation reste spectaculaire.
L'inflation immobilière galopante et son corollaire, de lourdes dettes pesant sur le budget des ménages, n'est pas l'apanage de la France. Un rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), paru le 25 janvier, s'interroge sur les méfaits de la hausse de l'immobilier dans la plupart des quarante pays membres, où la déréglementation financière, avec un accès trop facile au crédit, aurait à elle seule majoré le prix des logements dans des proportions allant jusqu'à 30 %.
Lorsque s'y ajoutent des incitations fiscales, comme la déduction des intérêts d'emprunts, ce qui était le cas en France jusqu'à fin 2010 et qui existe encore aux Etats-Unis, le phénomène s'aggrave encore.
En outre, aucun pays ne taxe le revenu fictif d'un propriétaire occupant, dispensé de payer un loyer. Ce qui déséquilibre le marché au détriment de la location. "Ces incitations orientent inconsidérément l'épargne vers le logement plutôt que d'autres placements, et les allégements fiscaux sont, en fait, capitalisés dans le prix des biens, alimentant la hausse", analyse Giuseppe Nicoletti, coordonnateur de l'étude.
LA TRÈS LIBÉRALE OCDE
La pourtant très libérale OCDE recommande donc de ne pas trop favoriser la propriété au détriment de la location privée ou sociale, mais ne fournit pas la recette. Le dogme du "tous propriétaires" chancelle.
Comment, alors, maîtriser la hausse des prix ? La solution pourrait venir de Chine, elle-même confrontée à une intense spéculation immobilière très impopulaire, que le gouvernement tente de juguler depuis deux ans.
Wen Jiabao, le premier ministre, a ainsi annoncé, le 27 février, vouloir maîtriser "les chevaux sauvages de l'immobilier". Il promet de créer, en cinq ans, 36 millions de logements à prix abordable, dont 10 millions dès 2011.
Pour lutter contre la hausse des prix, alimentée par des prêts à taux très bas et la spéculation, il exige que, pour l'achat d'une résidence secondaire, l'acquéreur finance 60 % du prix du bien sur ses fonds propres, et il entend taxer les logements vides. Shanghaï et Chongqing, les deux plus grandes métropoles, ont déjà créé une taxe de 0,4 % à 1,2 % de la valeur d'un logement laissé vide.
Sur le front du crédit, toutes sortes de dispositions peuvent être envisagées pour refermer le robinet : exiger, comme en Chine, un apport personnel conséquent, limiter la durée des prêts, et augmenter les taux, ce dont la conjoncture se charge depuis décembre 2010, puisque les prêts à l'habitat se sont déjà renchéris de 50 points de base (+0,5 %).
Construire plus et créer des logements sociaux, à condition de les réserver aux plus défavorisés, contribuerait aussi à détendre le marché ; faciliter la vente et l'achat, en réduisant les droits de mutation et tous les freins à la mobilité des ménages, lui donnerait encore un peu plus de fluidité.
Dans leur rapport, les experts de l'OCDE invitent donc les Etats à remettre sérieusement en cause leur soutien sans mesure à l'accession à la propriété.

Isabelle Rey-Lefebvre, avec Harold Thibault (à Shanghaï)



"La hausse continue dégrade le pouvoir d'achat des jeunes générations"

LE MONDE ECONOMIE | 07.03.11 | 16h20

La "une" du "Monde Economie" du 8 mars 2011.
La "une" du "Monde Economie" du 8 mars 2011.DR

Jean-Pierre Petit, comment expliquez-vous l'envolée mondiale des prix de l'immobilier, puis leur crash dans certains pays ?
Depuis vingt ans, le monde vit dans une économie de bulle. Nous passons d'une bulle à l'autre : Internet, immobilier, pétrole... Elles peuvent durer très longtemps, surprendre par leur ampleur, exploser ou se dégonfler plus lentement.
Ces bulles ne sont pas des anomalies mais des éléments régulateurs du capitalisme patrimonial et mondialisé, favorisant la hausse des prix des actifs tout en refusant l'inflation traditionnelle, celle des biens et des services.
Après la crise des subprimes et la faillite de Lehman Brothers (à l'automne 2008), les gouvernements et les banques centrales ont donc tout fait pour "reflater" (regonfler) les prix des actifs. Dans une économie financiarisée, une telle reflation est essentielle pour restaurer le bilan des banques, réduire le coût du capital, alimenter les effets de richesse, redonner de la confiance... même si cette politique est souvent très inégalitaire et ne sanctionne pas les fautifs.
En France, où la valeur de l'immobilier (surévaluée) est encore déconnectée du niveau des revenus des ménages et même des loyers, un effondrement violent des prix est en revanche peu envisageable - sauf en cas de krach obligataire (une remontée brutale des taux d'intêrêt à long terme) - car il n'y a pas eu de bulle de construction au cours des dernières années. Un tel processus ne serait d'ailleurs pas souhaitable car cela ferait entrer l'économie en déflation, le repoussoir ultime en économie.
Le déficit de logements explique-t-il la résistance des prix ?
Une bulle se nourrit toujours des fondamentaux avant de s'alimenter elle-même. Le déficit français de logements est assez "logique". Il est vrai que l'offre de logement est restée plus rigide en raison, notamment, des règles d'urbanisme.
Mais la financiarisation du logement et les aides à l'accession ont soutenu, en partie artificiellement, la demande. La durée moyenne des prêts a doublé en moins de quinze ans, tandis que les taux sont passés d'environ 10 % par an à jusqu'à 3 % récemment.
La politique des pouvoirs publics alimente par ailleurs le processus de hausse en cherchant de façon quasi permanente à resolvabiliser la demande, notamment par les prêts à taux zéro aujourd'hui.
De telles incitations relèvent du court-termisme électoraliste. Au contraire, l'objectif public devrait être de lisser dans le temps l'évolution des prix, car les bulles immobilières sont particulièrement destructrices en termes financiers, économiques et sociaux, comme on l'a vu aux Etats-Unis ou en Irlande.
Pourquoi analysez-vous cette bulle comme un transfert intergénérationnel injuste ?
La hausse quasi continue, depuis treize ans, des prix des logements en France ne s'inscrit pas dans l'indice des prix à la consommation, mais elle ne doit pas induire en erreur : elle dégrade le pouvoir d'achat des jeunes générations.
Aujourd'hui, le niveau de vie moyen des retraités est supérieur à celui des actifs, si l'on inclut les loyers que ne paient pas les propriétaires. En effet, les retraités sont davantage propriétaires que les actifs.
De plus, les actuels retraités ont bénéficié, lorsqu'ils étaient actifs, d'une forte croissance des salaires réels et de réformes qui, jusqu'aux années 2000, ont été plutôt favorables aux niveaux futurs des pensions. Et ils ont acheté leurs logements bon marché.
A diplôme équivalent, les jeunes ont aujourd'hui des salaires moins intéressants. Ils sont aussi plus frappés par la précarité et le chômage de masse. Les prélèvements obligatoires touchent relativement davantage leurs revenus que ceux d'un retraité propriétaire. Au surplus, on leur lègue le fardeau de la dette publique.
Le marché peut-il se retourner et leur permettre d'accéder à la propriété à moindre coût ?
Si les taux à long terme progressent de façon forte et prolongée, la valeur des biens immobiliers peut baisser. Des opportunités leur seraient ainsi offertes (si la chute est très violente). C'est le seul vecteur de retournement rapide des prix.
Propos recueillis par Adrien de Tricornot

Parcours

2011 Jean-Pierre Petit est président depuis 2010 des Cahiers verts de l'économie, un cabinet de recherche macroéconomique et en stratégie d'investissement.
2009 Il est directeur de la recherche de la société de Bourse Exane-BNP Paribas depuis 1999, après avoir été économiste à la BNP et à la Banque de France.
2003 Il signe La Bourse, rupture et renouveau (éd. Odile Jacob).
2002 Il est élu meilleur économiste de marché et le sera tous les ans jusqu'en 2007 inclus.


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