mercredi 11 août 2010

Une politique logement à l'échelle locale, pourquoi pas ....

Quelle politique pour le logement ? 
A Strasbourg en 2011

A l’heure ou l’état se désengage clairement de la question de l’habitat
, d’une manière particulièrement ambiguë en déléguant la répartition de crédits dont il maitrise le flux et les modalités d’attribution ainsi que les priorités. Simultanément après avoir lancé une phase ambitieuse et centralisée de rénovation urbaine, l’état fait financer sa mise en oeuvre exclusivement par les partenaires sociaux et restructure vigoureusement une partie des opérateurs, celle non liée aux collectivités locales.
Politique incohérente ou retrait de l’action banale pour affirmer l’action sur le plus urgent : l’hyper social ? Peu importe, c’est une fin de cycle qui se profile. Il apparait d’une part, que l’adage «quand le bâtiment va tout va» ne fonctionne plus. Les plans de relance à l’industrie et aux entreprises du bâtiment sont finis, même la TVA réduite seraient remise en cause, contrairement à celle de la restauration pourtant controversée. D’autre part, l’utilisation de l’habitat comme vecteur d’unification de la nation est abandonnée, la société étant sans doute trop éclatée, le cout trop élevé, les bénéfices sociétaux trop éloignés des standards anglos-saxons en vogue.
La mutation est donc bien là et probablement de façon pérenne; les priorités seront celle de la compétitivité internationale, celle de la solidarité intergénérationnelle, celle de l’éducation, celle du redressement financier de l’état, etc..
Se pose donc la question de l’action locale : l’état faisant recul, ce sont évidement les collectivités locales et le marché qui vont agir. Le marché devrait sans difficulté produire l’habitat des populations solvables mais à condition que le foncier soit disponible. 
La qualité physique des logements, peut être même la qualité architecturale pourraient être tenues par les outils de la planification urbaine secondés par ceux du droit des sols. Techniquement les performances thermiques et de durabilité peuvent être atteintes mais sociologiquement tout indique que la recherche de l’entre soi comme celle de la banalité de l’habitat augmentent. 
De la recherche de l’entre soi il résulte un développement conçu opération par opération donc probablement segmenté et sectorisé. On verra alors grandir l’accentuation des produits binômes : habitat-localisation qui vont évidement accentuer la ségrégation spatiale. Les collectivités vont alors dépenser des moyens considérables pour «acheter» des droits à construire là où ils sont chers pour éviter de tomber dans la caricature de ségrégation spatiale qui leur coute tant actuellement lors des opérations de renouvellement urbain.
Le marché fourni également déjà depuis des décennies des formes d’habitat de plus en plus normées. Pour garder une valeur de revente, si possible spéculative, l’acheteur se méfie de toute innovation (sauf peut être celles thermiques faisant baisser les charges). Cela explique, aussi, que le logement social est désormais le seul vecteur d’expérimentation et d’exemplarité de la qualité.
Les collectivités et leurs outils resteront ainsi en charge de l’habitat des ménages les moins solvables. En sachant que l’état restructure les opérateurs de droit privé du logement social et le 1% logement pour les instrumentaliser soit sur les sites du territoire les plus en manque de logements soit sur les quartiers en grandes difficultés, il apparait ainsi évident que dans de nombreuses régions les collectivités n’auront plus que leurs établissements publics pour réagir. Par ailleurs, si l’on observe la massive prime à la rente opérée ces dernières années grâce à la flambée immobilière qui à surtout bénéficié aux propriétaires fonciers, il est prévisible que de plus en plus de ménage seront écartés du cursus économique «ordinaire» d’accès au logement. En effet, insolvables pour louer ou acheter dans le coeur des agglomérations, ils partaient de plus en plus loin pour «faire construire» avec un processus (le binôme CMI Contrat de Maison Individuelle et lotissement) certes performant à court terme mais goinfre en territoire et totalement stérile en équilibre socio-démographique. Or l'expansion urbaine va s'arrêter car bien trop couteuse en équipement, les réseaux croissants au carré de l’échelle et les structures de transports se diluants dans les périphéries. Elle va également stopper sous l'effet conjugué de la prise de conscience collective du gâchis de terre cultivable, de la pression des mouvements de protection de l’environnement et du prix des carburants.
Les ménages seront ainsi pris au piège et la coupure sera de plus en plus forte entre ceux qui rentrent dans les cadres du marché et ceux qui ne peuvent qu’attendre l’action publique. Les grandes villes témoignent déjà de la violence de la situation et, témoin, la mise en place des produits intermédiaires (PLI, PCL, PLS) depuis 20 ans ne fait que d’amplifier. Ces produits sont particulièrement couteux soit en fonds publics soit en fonds propres des opérateurs ce qui finalement revient au même.
Que faire ? Nombreuses seront les collectivités qui vont essayer de composer avec les éléments du marchés dont les opérateurs ne sont pas tous dirigés par des affairistes irresponsables, loin de là, mais chaque opération rendue mixte sera un chantier, une négociation et des rapports de forces. Paradoxalement ce sera là ou la demande solvable sera la plus forte, les ville centre, que cette politique sera le plus possible car les marges seront alors suffisantes mais au prix d’une nouvelle hausse des valeurs. Seul le taux et les durées des prêts pourraient réguler la situation mais désormais ils se décident ailleurs.
Deux approches stratégiques de fond se proposent alors : faire de l’offre ou verrouiller le processus. 
Fabriquer de l’offre en abondance a comme résultat de maitriser l’inflation des prix tant immobiliers, locatifs comme accession, que fonciers. Cependant, c’est bien là où le besoin est le plus massif que ce sera le plus couteux. De plus l'intervention publique sur le domaine privé, ou reconnu comme tel, est passé de mode et souvent peu crédible économiquement. Il y a néanmoins une situation qui mérite cette approche car économiquement très performante, c’est la remise sur le marché des logements vacants. Structurellement ils ne coutent rien à la collectivité : pas de réseaux et pas d'équipements, juste une incitation et des mécanismes d’accompagnements lourds en temps. 
Seconde option : tenir le processus. Tous les stratèges savent qu’il vaut mieux se situer en amont qu’en aval si l’on veut agir efficacement. L’amont dans la filière habitat c’est le foncier et la mise en oeuvre de sa fabrication, terme impropre auquel on préférera sa mutation. L'efficacité c’est la maitrise de la propriété. Cette pratique chère au municipalisme social des années 20 a permis la confection d’un parc toujours apprécié mis en oeuvre dans des conditions d’après guerre bien plus réussie que en 50 et 60 et accessoirement des citées jardins. Le principe en est très simple : maitriser le sol, l’aménager dans un esprit et une économie globale, répartir les charges et planifier l’urbanisation.
La ville de Rennes, et plus tard son agglomération, pratique ce dispositif depuis l’après seconde guerre mondiale avec succès puisque, achetant systématiquement les terrains, elle en a stabilisé les prix, fixés par l'administration fiscale en proportion des achats voisins eux aussi effectués par la collectivité. Ainsi toute opération d’aménagement est publique et voit sa mise oeuvre effectuée par des outils para publics. La qualité de l’architecture, de l’urbanisme et le succès sociologique de ces réalisations témoignent de la capacité à la mixité sociale, celle des morphologies d’habitat, des statuts et des typologies.
Evidement des innovations environnementales peuvent être mise en oeuvre, mesurées et capitalisées sans difficulté.
Le dispositif de la maitrise foncière, une fois amorcée, est vertueux car la connaissance et la maitrise de la charge foncière, six fois moindre à celle de Strasbourg, permet de déplacer la richesse soit dans la performance sociale, soit dans la qualité urbaine ou environnementale soit partout simultanément.
La maitrise sous la même autorité de la propriété foncière, de la conception urbaine et de la règle permet une clarté d’action et une limpidité des processus bien plus économe en temps et en énergie, sans compter que le rythme de mise en service est également régulé à la demande. Ajoutons que les opérateurs immobiliers privés ne se plaignent nullement car le dispositif apporte une clarté et une fiabilité accrue à leurs engagements.
Mais il faut une forte volonté politique, un corps d’outils publics efficients, la bonne géographie, sans doute l'agglomération un peu étendue, et les moyens d’amorcer la pompe des acquisitions foncières.