vendredi 30 décembre 2011

mardi 27 décembre 2011

Immobilier 2012 : aux abris

Bonne nouvelle les médiocres produits à vocation fiscale et à faible qualité d'habitat vont reculer.
Mauvaise nouvelle la crise et le manque vont s'aggraver.

Propos de Michel Mouillart pour le Monde


Logements neufs : un bon cru 2011 mais l'avenir s'annonce sombre
LEMONDE.FR | 27.12.11 | 17h53

Dans le quartier Beaulieu, à Caen. Le marché du logement neuf a connu une embellie en 2011, porté par les aides de l'Etat.AFP

Un bon cru avant le retour de la tempête. Voilà ce qu'a été 2011 pour le secteur immobilier du neuf en France. Grâce à plusieurs mécanismes incitatifs, le nombre de mises en chantier de logements neufs, entre décembre 2010 et novembre 2011, a augmenté de 20,6 %, avec 364 732 logements commencés, selon les chiffres publiés mardi par le ministère du logement. Autre belle performance dans un secteur laminé par la crise en 2008, le nombre de permis de construire pour ces mêmes logements a augmenté de 28,8 % sur la même période.
Mais cette amélioration ne devrait pas durer au cours des deux prochaines années. Selon Michel Mouillart, professeur d'économie à l'Université Paris-Ouest, interrogé par l'AFP, "le nombre de mises en chantier devrait se situer entre 365 000 et 370 000 en 2011, contre 309 744 en 2010, mais devrait chuter à 335 000 en 2012 et 320 000 en 2013". "Cela n'aura pas l'ampleur de la contraction de la crise de 2008 mais cela sera une sévère rechute", loin de la très bonne année 2007 (415 000), la dernière avant la récession, analyse le spécialiste du secteur.

DISPARITION D'AVANTAGES FISCAUX

Ce cru exceptionnel en période de sécheresse du crédit est en grande partie dû à la loi Scellier, qui arrose depuis 2009 les contribuables investissant dans des logements neufs destinés à la location, pendant une durée minimale de neuf ans, d'une réduction d'impôt pouvant aller jusqu'à 32 %. Par exemple, pour un investissement de 100 000 euros en 2011, un acheteur bénéficiait au minimum d'une déduction fiscale de 2 444 euros par an pendant neuf ans. Pas étonnant donc que ces logements aient représenté les deux tiers des 115 000 logements vendus par les promoteurs en 2010.

Cependant, rigueur budgétaire oblige, ce cadeau fiscal va être beaucoup moins intéressant à l'avenir, tombant à 13 % en 2012 pour le logement classique (contre 22 % en 2011) et à 21 % pour le Scellier dit "social", c'est-à-dire quand les propriétaires louent moins cher que le prix du marché (contre 32 %), avant de complètement disparaître en 2013. Ce n'est pas tout. Les organisations professionnelles de l'immobilier redoutent les autres mesures de rigueur annoncées : la fiscalisation des plus-values immobilières, la forte réduction du volume de crédit pour le prêt à taux zéro, qui passera d'un portefeuille de 2,6 milliards d'euros en 2011 à 800 millions en 2011, et la hausse de la TVA sur les travaux et sur l'accession sociale à la propriété de 5,5 % à 7 %.

Des mesures qui, mécaniquement, devraient faire baisser la demande, côté acheteurs. Et alimenter la hausse, côté prix. C'est d'ailleurs là où le gouvernement s'est abstenu : il continue sa réduction d'impôts Scellier pour les propriétaires qui s'engagent à louer moins cher (la hausse de leur ristourne se limitant simplement à 8 % au lieu des 10 % prévus). Pour les organisations professionnelles, citées par l'AFP, "les conséquences désastreuses des mesures" du gouvernement vont toucher "au minimum 35 000 postes qui seront supprimés au cours de la seule année 2012". Sans compter l'effet drastique du resserrement de crédit par les banques françaises. "Dans le secteur du crédit pour le neuf, la situation au quatrième trimestre a été très mauvaise car les banques, à cause de la crise de la dette, sont obligées de réduire le volume des crédits accordés", souligne Michel Mouillart.

Le Monde.fr

lundi 31 octobre 2011

Tours infernales

Tours infernales
Article paru dans l'édition du 29.10.11 du Monde
Vivre près des nuages peut séduire mais effraie souvent. Paris, ville-musée, vit dans la hantise de se voir défigurée. Les projets de gratte-ciel y sont nombreux mais peu voient le jour. Pour l'instant ?


Ah, leur tour ! Ils pourraient en parler pendant des heures : ses vents coulis, ses paliers dégradés, la manière dont ses fenêtres, dépourvues de double vitrage, laissent passer tous les bruits. Pour ces habitants du quartier Beaugrenelle, dans le 15e arrondissement de Paris, la tour est un piège à trente étages qui s'est progressivement refermé sur eux. Quand les plus anciens se sont installés dans cet immeuble à loyers modérés, dans les années 1970, le quartier passait pour chic. Une boutique Hédiard, des cinémas, une architecture moderne qui alignait une vingtaine d'« immeubles de grande hauteur » (IGH) en front de Seine - autour de 100 mètres de haut -, et la sensation grisante d'avoir pris son billet pour l'avenir.
Quatre décennies plus tard, les magasins de luxe se sont évanouis, le vent siffle entre les murs, le béton a vieilli. Les tours, elles, sont restées, plus ou moins bien entretenues selon que leurs propriétaires consentaient ou non à y engouffrer les sommes nécessaires, souvent énormes. Quant à l'aménagement de départ, tout en dalles, en passerelles et en centres commerciaux, façon bunker, il doit être entièrement repensé. Depuis 2007, des travaux de réfection transforment les lieux en un enfer de bruit et de poussière. Le futur a pris un sacré coup de vieux.

« Bloqués là » par des loyers bas, comme le constate une habitante, ces locataires sont les victimes à retardement d'un rêve d'urbaniste. Celui qui consistait, dans les années 1960 et 1970, à imaginer une ville en hauteur pour faire d'une pierre deux coups : régler la crise du logement tout en imprimant aux lieux un caractère fier et moderne. Or, pour quelques réalisations de bonne qualité, les échecs sont nombreux. Et impossibles à camoufler : les bâtiments ratés dressent ici et là de longues silhouettes plus ou moins déglinguées, mais très visibles, et de très loin. Quarante ans après, ce que l'historien de l'urbanisme Simon Texier nomme « le traumatisme » n'est pas résorbé : la tour Montparnasse, repoussoir d'une laideur absolue, mais aussi les constructions de la place des Fêtes, dans le 19e arrondissement, ou le quartier situé derrière la place d'Italie, dans le 13e, sont comme des échardes fichées dans la chair de Paris.

Du coup, le débat sur les tours est l'un des plus polarisés qui soient. Interrogez n'importe quel architecte, urbaniste, acteur politique ou citoyen, il se range instantanément dans un camp ou dans l'autre. Et chaque fois qu'une tour se profile, des associations tentent de faire barrage, les élus reculent. Un projet de tour de 130 mètres vient d'être abandonné à Rueil-Malmaison, dans les Hauts-de-Seine. La ville de Courbevoie a rompu les négociations avec le promoteur de la tour Phare. Dans le quartier des Damiers, à Courbevoie (Hauts-de-Seine), la construction des deux tours Hermitage (307 mètres), destinées à des logements de luxe, des bureaux et des commerces, est très incertaine.

Les passions que suscitent ces immeubles vont bien au-delà des problèmes matériels, aussi contraignants soient-ils. A l'ombre des gratte-ciel, c'est la force des symboles qui enflamme les esprits, comme si tout un imaginaire collectif se mettait en branle. Et à Paris, ville obsédée par son rapport au patrimoine, plus que dans d'autres grandes capitales.

Il faut dire que, depuis Babel, les tours ont un lourd passif. Objets phalliques, elles sont un signe ostentatoire de puissance, et les compétitions de hauteur que se sont livrées leurs propriétaires traversent l'histoire, de la Renaissance italienne (à San Gimignano, par exemple) jusqu'aux prouesses actuelles, à Shanghaï ou à Dubaï. Les représentations cinématographiques (à commencer par Metropolis, de Fritz Lang, matrice de bien d'autres films) et littéraires sont presque toujours associées à l'effroi. « J'ai eu beau chercher un visage joyeux de la tour, je n'en ai pas trouvé », affirme Thierry Paquot, philosophe et auteur d'un livre intitulé La Folie des hauteurs. Dangereuse dans le film La Tour infernale (1974), ou totalitaire dans le livre magistal I.G.H. (1976), du romancier britannique J. G. Ballard, la tour est le porte-étendard d'une vision du futur très anxiogène, où ni l'humain ni la nature n'ont la part belle. Les romans de science-fiction l'associent souvent à un monde où le sol - au sens du bon vieux plancher des vaches - a disparu, enseveli sous une nappe de béton.

C'est pourtant du sol que partent les tours, avant d'aller chatouiller les nuages. Ou plus exactement du manque de sol. La construction en hauteur est en effet perçue comme une réponse à la pénurie d'espace dans les grandes villes. A Paris notamment, où la pression du foncier est forte, le manque de logements criant et la densité de population l'une des plus élevées au monde. Aussi Bertrand Delanoë, dans son programme pour les municipales, en 2008, voulait-il ouvrir la question des limitations de hauteur.

En France, un immeuble d'habitation est « de grande hauteur » quand il dépasse les 50 mètres. Au-delà, une pluie de réglementations s'abat sur les IGH, à commencer par l'obligation d'avoir, sur les lieux, un gardien spécialisé, voire un pompier de permanence. Mais à Paris, berceau de la tour Eiffel (324 mètres), la hauteur cruciale a longtemps été 37 mètres : une taille imposée par Valéry Giscard d'Estaing, alors fraîchement élu à la présidence de la République, pour calmer les ardeurs bétonneuses des années Pompidou (les « aventures architecturales », comme on les appelle poliment à la Ville de Paris).

Derrière le débat sur les hauteurs, c'est la question du modèle urbain qui se pose. Doit-on concentrer la population à l'endroit où se trouve le plus gros des équipements ou privilégier « l'étalement urbain » - un empiétement progressif de l'agglomération sur les espaces alentours ? A Paris, la majorité socialiste a choisi son camp : le skyline (« ligne de ciel », pour les francophones) peut supporter des reliefs. Anne Hidalgo, première adjointe, qui n'a pas donné suite à nos demandes d'entretien, a même la réputation d'être très en faveur des tours.

L'assouplissement des règles de hauteur a été entériné par un vote du Conseil de Paris, en juillet 2008. Il s'agissait de « sortir du tabou des 37 mètres », comme l'indique Elisabeth Borne, à la direction de l'urbanisme. Les immeubles d'habitation ne dépasseront pas 50 mètres, mais les bureaux pourront grimper bien au-delà. Les immeubles occupés aujourd'hui à des fins professionnelles revenant ainsi à l'habitat. « Les limites imposées jusqu'en 2008 n'empêchaient pas nos voisins de monter plus haut et de faire des constructions très visibles depuis Paris, comme la tour Pleyel, à Saint-Denis », observe Mme Borne.

A Paris, comme dans la plupart des villes d'Europe, on reste toutefois très modeste par rapport à l'Amérique et à l'Asie, où des tours atteignent souvent plusieurs centaines de mètres. Parmi les projets en cours, la fameuse tour Triangle, conçue par les architectes suisses Jacques Herzog et Pierre de Meuron, qui devrait être inaugurée en 2016 ou 2017 dans le quartier de la porte de Versailles : 180 mètres de haut - une naine, par rapport aux 828 m de la Burj Khalifa, à Dubaï. Mais avec ses façades iridescentes et une forme pyramidale qui ne manque pas d'allure, la tour Triangle a de quoi satisfaire ceux qui déplorent la frilosité parisienne.

L'écrivain Eric Reinhardt, par exemple, qui a fait d'une tour, baptisée Uranus, l'un des personnages principaux de son dernier roman, Le Système Victoria : « Il ne faut pas que Paris devienne un musée. On mesure la vitalité d'une ville à sa capacité à faire surgir de terre des bâtiments étonnants. » Reinhardt, qui a passé des semaines sur le chantier de la tour Granite, à la Défense, affirme son intérêt pour les gratte-ciel comme « symboles d'une réalité globalisée », et comme objets sophistiqués : « Le chantier d'une tour monte dans un seul sens. Il y a une satisfaction réelle à la voir progresser, comme si elle s'acclamait elle-même et ceux qui la construisent. Mais il suffit d'un seul obstacle pour que tout s'arrête. »

Cette technicité, cependant, est l'un des grands reproches que formulent les détracteurs des tours, accusées d'être coûteuses et peu écologiques : non seulement les matériaux qui servent à les construire sont énergivores (par exemple, des verres ou des aciers très spéciaux), mais la tour elle-même, une fois sur pied, a beaucoup de mal à respecter les normes imposées par le plan Climat. Les lauréats du concours pour la tour des Batignolles (Paris 17e), qui accueillera le tribunal de grande instance à l'horizon 2017, devront entrer dans le cadre de ce plan. « Mais on sait déjà que ce ne sera pas le cas », estime Denis Baupin, élu municipal Europe Ecologie-Les Verts chargé du développement durable, et très opposé à la construction de nouvelles tours.

Pour beaucoup de « touro-sceptiques », la tour est liée à l'ego des architectes et à l'appétit des grandes entreprises du bâtiment. « Une tour ne peut pas fonctionner en mode dégradé », indique l'architecte Michel Rémon, qui a longtemps habité au 18e étage de la tour Croulebarbe (67 m), la plus ancienne de Paris, construite en 1960 dans le 13e arrondissement. Un ascenseur en panne, des problèmes électriques, et c'est la panique. Là où des immeubles de faible hauteur peuvent continuer de tourner, la tour s'arrête de respirer.

De plus, quiconque a assisté à une assemblée de copropriétaires imagine sans peine le cauchemar que représente la même chose multipliée par cinq, six ou dix. Enfin la tour ne « fait pas forcément ville, au sens où elle ne produit pas de citoyenneté, observe l'écrivain Thierry Paquot. Le fait de dire : «J'habite au 42e, je vais prendre mon café au 54e et nager au 12e» est une négation totale de l'idée de ville, caractérisée par son aspect labyrinthique, son accessibilité et sa gratuité ».

Quant à l'argument de la densité, il ne résisterait pas à l'analyse : contrairement à l'habitat haussmannien, où l'espace est utilisé de manière très rationnelle, celui des tours doit concéder beaucoup de place aux gaines et aux ascenseurs. Du coup, on loge nettement moins d'habitants au mètre carré. Sans compter que, les tours ne pouvant être mitoyennes, on est obligés de ménager à leur pied un périmètre vide qui représente, là encore, une perte d'espace.

Oui, mais ces espaces peuvent accueillir des jardins, et une ville est aussi faite de diversité. C'est ce que soutiennent ceux qui prêchent pour des solutions mixtes, incluant différents types d'architecture. « Ce qui est beau, dans une ville moderne, c'est le skyline, affirme Emmanuel Caille, architecte et rédacteur en chef de la revue d'a. Cela provoque le même plaisir pittoresque que dans les villages où les maisons sont de hauteurs différentes. »

Même écho du côté de l'architecte Christian de Portzamparc, pour qui « il faut savoir construire des quartiers où la lumière passe, grâce à un jeu de hauteurs ». Selon lui, la tour d'habitation n'est pas un idéal, mais le fait de créer des « bouquets » de tours mêlant bureaux et hôtels, dans les centres-villes très denses, est intéressant. Ne serait-ce que pour fournir des « repères » aux citadins, capables ainsi de s'orienter dans le labyrinthe horizontal de la ville. Et puis, parce qu'une tour isolée devient vite étrangère à son environnement, elle « se prétend monument », comme le dit joliment l'architecte.

Si la place fait défaut dans l'hyper centre de Paris, pourquoi ne pas se rabattre sur les bordures, le long du périphérique ? Ou alors dans ces endroits où le fameux « traumatisme » des années Pompidou a laissé des tours mal-aimées, orphelines de projets d'ensembles jamais vraiment terminés ? Une chose est sûre, conclut Christian de Portzamparc, « on ne doit pas rejeter le fait que la ville se modernise en certains endroits. L'idée qu'on se fait du futur, peut-être un peu enfantine, c'est que quelque chose doit bouger ». Le futur, la modernité, tout est là. C'est par ce biais que les tours s'accrochent le plus durablement à l'esprit. Par là, sans doute, qu'elles portent les couleurs d'une civilisation où la ville a gagné. Pour le meilleur et pour le pire.

Raphaëlle Rérolle

80 % des logements neufs ne sont accessibles qu'aux Français les plus riches

Un article interessant malgré les exagérations de JC Castel qui compte toujours la spéculation comme création de richesse.
A retenir néanmoins le titre et l'impasse énorme dans laquelle se trouve la population.

80 % des logements neufs ne sont accessibles qu'aux Français les plus riches
| 29.10.11 | 14h06


L'Agence nationale pour l'information sur le logement (ANIL) avait, mardi 25 octobre, invité des économistes et des professionnels du logement pour élucider les raisons de la cherté des logements neufs.
Elus et promoteurs s'alarment des prix trop élevés qui réservent la production neuve à une petite fraction de la population. Paris, dont l'adjoint au maire chargé du logement, Jean-Yves Mano, déplore que "le prix de vente du mètre carré neuf, autour de 12 000 euros, ne soit accessible qu'aux 3 % les plus riches de la population", en est l'exemple le plus criant, mais toutes les grandes villes sont concernées.

Dans l'agglomération lyonnaise, par exemple, sur les 3 570 logements vendus au cours des trois premiers trimestres 2011, seuls 675, soit 20 %, le sont à moins de 3 000 euros le mètre carré. "Le raisonnement est simple : le revenu médian mensuel des foyers provinciaux est de 2 500 euros (2 800 euros à Paris), ce qui leur ouvre un budget maximal d'achat de 165 000 euros, s'ils s'endettent sur vingt-cinq ans, un peu plus s'ils ont droit à un prêt à taux zéro, soit, pour un trois pièces standard, 3 000 euros le mètre carré", calcule Laurent Escobar, du bureau d'études Adéquation.

"Pour loger les classes moyennes, il faut produire des logements à 3 000 euros le mètre carré, 3 300 euros maximum à Paris", suggère-t-il. Or, dans le centre de Lyon, impossible de dénicher un programme à moins de 4 300 euros le mètre carré, une offre qui n'existe que dans quatre communes de l'agglomération : Vénissieux, Vaulx-en-Velin, Saint-Priest et Saint-Fons.

"C'est en 2006 que s'est produit le décrochage, devenu un gigantesque décalage entre les prix des logements, qui grimpent, et les revenus, qui stagnent. Mais les élus, en particulier à Lyon, n'en ont pas, à mon avis, conscience", regrette M. Escobar.

Ce "décalage" explique que les promoteurs n'aient, en 2010, vendu que 115 000 logements, dont 72 000 à des investisseurs locatifs surtout séduits par les réductions d'impôt afférentes. Le secteur vit donc sous perfusion fiscale et la réduction annoncée des avantages pourrait faire tomber le niveau des ventes à 95 000, en 2011, et encore 20 % de moins, en 2012.

A la décharge des promoteurs, le dérapage des prix des logements s'explique par l'envolée des coûts de construction de 43 %, en dix ans. Les prix des matières premières, d'abord - plomb, cuivre, acier - premier poste de dépenses d'un chantier, ont grimpé de 71 %, depuis 2000.

Les salaires ont également progressé de 40 % dans cette période, soit 12 points de plus que ceux de l'ensemble des salariés. "Le bâti ment, qui avait des problèmes de recrutement, a vraiment souhaité revaloriser ses métiers", explique Bernard Coloos, économiste à la Fédération française du bâtiment. L'avalanche de normes d'accessibilité ou énergétiques a aussi contribué au renchérissement général.

"Une impasse" Enfin, et c'est l'une des surprises du colloque de l'ANIL, la cherté du mètre carré est liée à la densité de la construction elle-même : les économies d'échelle ne sont pas au rendez-vous et plus on construit de mètres carrés sur une parcelle de terrain, plus le mètre carré est coûteux.

Entre une maison de 100 mètres carrés et un immeuble collectif, le prix de construction du mètre carré varie du simple au double, de 1 000 à 2 000 euros. Il est en effet beaucoup plus long et complexe de construire un immeuble, qui nécessite des études par des ingénieurs, des entreprises plus qualifiées, des équipements comme des ascenseurs, des parties communes, surtout les sous-sols, qui plombent les budgets.

"Les élus sont dans une impasse car, s'ils densifient leurs centres-villes, ils produisent pour les riches. Les classes moyennes et modestes, si elles n'obtiennent pas un logement social, n'ont alors pas d'autre choix que de s'installer plus loin, pour y trouver un terrain bon marché et des coûts de construction supportables", explique Jean-Charles Castel, du Centre d'études sur les réseaux, les transports et l'urbanisme (Certu). "Si vous doublez le nombre de mètres carrés constructibles sur un terrain, vous quadruplez son prix", résume-t-il.

Isabelle Rey-Lefebvre
Article paru dans l'édition du 30.10.11

mercredi 5 octobre 2011

Enquête sur une banlieue, une étude de Gilles Kepel et un article de Luc Bronner dans le Monde : à lire + une vidéo à voir.

Banlieues, islam : l'enquête qui dérange
Cliquez sur le titre pour voir la vidéo

Enquête | | 04.10.11 | 13h34 • Mis à jour le 04.10.11 | 18h56

Voilà un constat qui va déranger. Dans les tours de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil (Seine-Saint-Denis), les deux villes emblématiques de la crise des banlieues depuis les émeutes de l'automne 2005, la République, ce principe collectif censé organiser la vie sociale, est un concept lointain. Ce qui "fait société" ? L'islam d'abord. Un islam du quotidien, familial, banal le plus souvent, qui fournit repères collectifs, morale individuelle, lien social, là où la République a multiplié les promesses sans les tenir.

La croyance religieuse plus structurante que la croyance républicaine, donc. Vingt-cinq ans après avoir publié une enquête référence sur la naissance de l'islam en France - intitulée Les Banlieues de l'islam (Seuil) -, le politologue Gilles Kepel, accompagné de cinq chercheurs, est retourné dans les cités populaires de Seine-Saint-Denis pour comprendre la crise des quartiers. Six ans après les émeutes causées par la mort de deux adolescents, en octobre 2005, son équipe a partagé le thé dans les appartements des deux villes, accompagné les mères de famille à la sortie des écoles, rencontré les chefs d'entreprise, les enseignants, les élus, pour raconter le destin de cette "Banlieue de la République" - c'est le titre de l'enquête, complexe et passionnante, publiée par l'Institut Montaigne.

Le sentiment de mise à l'écart a favorisé une "intensification" des pratiques religieuses, constate Gilles Kepel. Les indices en sont multiples. Une fréquentation des mosquées beaucoup plus régulière - les deux villes (60 000 habitants au total) comptent une dizaine de mosquées, aux profils extrêmement variés, pouvant accueillir jusqu'à 12 000 fidèles. Une pratique du ramadan presque systématique pour les hommes. Une conception extensible du halal, enfin, qui instaure une frontière morale entre ce qui est interdit et ce qui est autorisé, ligne de fracture valable pour les choix les plus intimes jusqu'à la vie sociale.

Les chercheurs prennent l'exemple des cantines scolaires, très peu fréquentées à Clichy en particulier. Un problème de coût évidemment pour les familles les plus pauvres. Mais la raison fondamentale tient au respect du halal. Les premières générations d'immigrés y avaient inscrit leurs enfants, leur demandant simplement de ne pas manger de porc. Une partie de leurs enfants, devenus parents à leur tour, préfère éviter les cantines pour leur propre descendance parce que celles-ci ne proposent pas de halal. Un facteur d'éloignement préoccupant pour Gilles Kepel : "Apprendre à manger, ensemble, à la table de l'école est l'un des modes d'apprentissage de la convivialité future à la table de la République."

Car le mouvement de "réislamisation culturelle" de la fin des années 1990 a été particulièrement marqué à Clichy et à Montfermeil. Sur les ruines causées par les trafics de drogue dure, dans un contexte d'effondrement du communisme municipal, face à la multiplication des incivilités et des violences, les missionnaires du Tabligh (le plus important mouvement piétiste de l'islam), en particulier, ont contribué à redonner un cadre collectif. Et participé à la lutte contre l'héroïne, dans les années 1990, là où la police avait échoué. Ce combat contre les drogues dures - remplacées en partie par les trafics de cannabis - a offert une "légitimité sociale, spirituelle et rédemptrice" à l'islam - même si la victoire contre l'héroïne est, en réalité, largement venue des politiques sanitaires.

L'islam a aussi et surtout fourni une "compensation" au sentiment d'indignité sociale, politique et économique. C'est la thèse centrale de Gilles Kepel, convaincu que cette "piété exacerbée" est un symptôme de la crise des banlieues, pas sa cause. Comme si l'islam s'était développé en l'absence de la République, plus qu'en opposition. Comme si les valeurs de l'islam avaient rempli le vide laissé par les valeurs républicaines. Comment croire encore, en effet, en la République ? Plus qu'une recherche sur l'islam, l'étude de Gilles Kepel est une plongée dans les interstices et les failles des politiques publiques en direction des quartiers sensibles... Avec un bilan médiocre : le territoire souffre toujours d'une mise à l'écart durable, illustrée ces dernières semaines par l'épidémie de tuberculose, maladie d'un autre siècle, dans le quartier du Chêne-Pointu, à Clichy, ghetto de pauvres et d'immigrés face auquel les pouvoirs publics restent désarmés (Le Monde du 29 septembre). Illustrée depuis des années par un taux de chômage très élevé, un niveau de pauvreté sans équivalent en Ile-de-France et un échec scolaire massif.

Clichy-Montfermeil forme une société fragile, fragmentée, déstructurée. Où l'on compte des réussites individuelles parfois brillantes et des parcours de résilience exemplaires, mais où l'échec scolaire et l'orientation précoce vers l'enseignement professionnel sont la norme. "Porteuse d'espoirs immenses, l'école est pourtant aussi l'objet des ressentiments les plus profonds", constatent les chercheurs. Au point que "la figure la plus détestée par bon nombre de jeunes est celle de la conseillère d'orientation à la fin du collège - loin devant les policiers".

Et pourtant, les pouvoirs publics n'ont pas ménagé leurs efforts. Des centaines de millions d'euros investis dans la rénovation urbaine pour détruire les tours les plus anciennes et reconstruire des quartiers entiers. Depuis deux ans, les grues ont poussé un peu partout et les chantiers se sont multipliés - invalidant les discours trop faciles sur l'abandon de l'Etat. Ici, une école reconstruite, là, un immeuble dégradé transformé en résidence. Un commissariat neuf, aussi, dont la construction a été plébiscitée par les habitants - parce qu'il incarnait l'espoir d'une politique de sécurité de proximité.

Le problème, montre Gilles Kepel, c'est que l'Etat bâtisseur ne suffit pas. Les tours ont été rasées pour certaines, rénovées pour d'autres, mais l'Etat social, lui, reste insuffisant. La politique de l'emploi, incohérente, ne permet pas de raccrocher les wagons de chômeurs. Les transports publics restent notoirement insuffisants et empêchent la jeunesse des deux villes de profiter de la dynamique économique du reste de la Seine-Saint-Denis. Plus délicat encore, la prise en charge des jeunes enfants n'est pas adaptée, en particulier pour les familles débarquant d'Afrique subsaharienne et élevés avec des modèles culturels très éloignés des pratiques occidentales.

Que faire alors ? Réorienter les politiques publiques vers l'éducation, la petite enfance, d'abord, pour donner à la jeunesse de quoi s'intégrer économiquement et socialement. Faire confiance, ensuite, aux élites locales de la diversité en leur permettant d'accéder aux responsabilités pour avoir, demain, des maires, des députés, des hauts fonctionnaires musulmans et républicains. Car, dans ce tableau sombre, le chercheur perçoit l'éveil d'une classe moyenne, de chefs d'entreprise, de jeunes diplômés, de militants associatifs, désireuse de peser dans la vie publique, soucieuse de concilier identité musulmane et appartenance républicaine.

Luc Bronner

mardi 20 septembre 2011

Le sujet de la transformation urbaine.

Notre société a vécu dans les 30 dernières années plusieurs dispositifs de recréation de la ville.
·       La rénovation urbaine, au sens initial, du terme : le principe de tabula rasa appliqué aux quartiers anciens souvent habités par des pauvres. Le principe en est simple : l'application des standards urbains de l'époque, zoning donc non mixité fonctionnelle, urbanisme de dalle donc impossibilité de gestion ultérieure et confusion des statuts, segmentation des populations. Cette politique a été stoppée, plus pour des raisons "romantiques" de protection du patrimoine urbain (loi Malraux) que réellement sociale.
·       La réhabilitation qui est initialement un mot de langue de bois pour dire rattrapage d'entretien et remise à niveau qualitatif (ou au moins thermique) des bâtiments. La déclinaison de ce sympathique concept orienté sur la valorisation et la réparation sociale, s'est déclinée dans les HVS, DSQ, et GPV, produits de la politique de la ville. Déjà en accord avec une ville plus organique dans son dispositif d'action, la réhabilitation rassemble des potentiels de complexité porteurs de qualité mais peu de moyens et une dispersion chronique.
·       le renouvellement urbain, symbolisé par l'ANRU, également nommé rénovation urbaine pour bien marquer l'ampleur du projet collectif. Capitalisant les acquis de la phase précédente mettant des moyens sans précédents en jeu et un dispositif temporel serré pour garantir le mouvement, le renouvellement urbain dans sa versions 2003 reconnait le principe de modification et de remplacement en lieu et place de la réparation. Le réinvestissement est donc plus radical. Simultanément le processus vise à diversifier les sites fonctionnellement et les habitats, les dimensions transports emploi, formation, sociaux sont certes insuffisants mais présent et en cohérence. Le développement raisonné de la ville quant à l'environnement viendra compléter le dispositif. Il en résulte la conscience de l'obligation de mutabilité à terme de chaque élément de base du tissu (la parcelle) et l'abandon de la ville pensée comme achevée.

Désormais le terrain est prêt pour accueillir le principe de la ville en mutation permanente, lente et progressive évidement. De même l'élargissement de ces principes à la ville ordinaire après avoir testé et expérimenté le renouvellement sur les quartiers dit difficile, c'est à dire souvent issu d'une vision artificielle et de situations sociales inextricables est en voie de réalisation consensuelle. Ce sera la transformation urbaine : élément de dynamique urbaine correspondant à la mise en œuvre d'une stratégie globale pour la ville : territoire, organisation et projet sociétal.

Le principe de transformation urbaine est ainsi à la croisée de questions de société, un mode d'interrogation des acteurs et des habitants sur le projet de vivre ensemble donc sur la vision partagée de civilisation urbaine.

Pourquoi notre société en arrive t'elle à réfléchir sur la nature de la mutation urbaine ? Il est possible que les motifs de changements précédents soient caducs : la guerre, l'incendie, la catastrophe naturelle n'existent que très rarement, la violence industrielle est passée dans les pays en cours de développement. Il ne reste donc plus qu'une démarche volontaire et coordonnée pour faire muter le tissu, sauf à croire que le marché y pourvoirait mais c'est une autre histoire.

la question serait alors celle du passage du renouvellement urbain unique à la transformation urbaine en continu donc sur la capacité de la ville à se modifier d'elle même.

Pourquoi la France de propriétaires de Nicolas Sarkozy n'a pas vu le jour - LeMonde.fr

http://mobile.lemonde.fr/politique/article/2011/09/14/pourquoi-la-france-de-proprietaires-de-nicolas-sarkozy-n-a-pas-vu-le-jour_1571732_823448.html

LeMonde.fr : Depuis 2008, la moitié de l'humanité vit en ville

Depuis 2008, la moitié de l'humanité vit en ville
2011/08/18 | 07:23:25 | LE MONDE Grégoire Allix
Le rapport biennal d'ONU-Habitat met en avant la très forte croissance urbaine des pays du Sud.
Retrouvez l'intégralité de cet article sur LeMonde.fr :
http://www.lemonde.fr/tiny/1110191/
Jean Werlen depuis son tel portable
Pour répondre utilisez jean.werlen@urbitat. fr (prof) ou jean@werlen.fr (perso)

jeudi 25 août 2011

Immobilier et économie

Savez-vous qu’en 1958 un logement valait en moyenne 70 loyers et que 40 ans plus tard, en 1998, il fallait dépenser en moyenne 133 loyers pour devenir propriétaire ? Savez-vous qu’en 2008, au plus haut de la bulle, un logement coutait en moyenne 262 loyers et que les prix étaient surestimés de 80% ?
Source : http://indicateurs-immobilier.over-blog.com/article-alain-bechade-l-immobilier-veritable-valeur-refuge-79793662.html

mardi 2 août 2011

La question de la qualité architecturale dans les Projets de Renouvellement Urbain

La qualité architecturale est, de l'avis unanime, indispensable dans les opérations de renouvellement urbain.

Comme sur tout autre territoire, l'absence de qualité architecturale s'apparentera à un manque évident de soin et d'attention, donc sera perçu comme une manifestation de mépris à l'encontre des populations qui y sont domiciliées. Le consensus en faveur de son expression est donc fort.
La question de la définition se pose de manière plus complexe. Pour tenter une approche constructive et, un peu, objective, il est nécessaire de diviser la réponse en deux parties suivant des sujets bien différents. L'évaluation de la qualité architecturale d'une résidence, n'est pas identique à celle d'un ensemble urbain, par exemple un ilot ou un quartier. La qualité architecturale intrinsèque à un objet bâti n'est évidement pas obtenue en niant son environnement mais néanmoins les caractéristiques d'usage, de mutabilité, comme celles de la signification et de la lisibilité, de la forme et de la fonction comme de l'époque, sont bien propre à l'ouvrage. Elle se construit dans un dialogue qui, sans être introverti, associe prioritairement le maitre de l'œuvre et celui de l'ouvrage. Ses caractéristiques de vocabulaire architectural, de matériaux comme de principes architectoniques lui sont propres. Cependant la perception des écritures n'est pas identique suivant les individus et les cultures, et de loin, il apparait donc utile de réfléchir à l'image d'eux même que les habitants vont se donner à travers le "look" du bâtiment qu'ils habitent. Soulignons encore que les populations captives des quartiers de relégations sociales vivent souvent douloureusement les signes de cette situation, certaines gesticulations architecturales s'y sont abusivement exprimées, des innovations sans suite et parfois hasardeuses ont bénéficié de la tolérance des bailleurs. Est il vraiment indispensable que ces lieux soient éternellement ceux de toutes les expérimentations débridées ? Il faudrait, considérant le souhait des habitants de vivre dans une situation désormais ordinaire, faire appel ici à la retenue et à l'usage, plus qu'ailleurs, de langages et de technologies maitrisés. Le principe de diversité, désormais bien inscrit dans le concept de renouvellement urbain, pour favoriser l'appropriation, l'échelle et la variété poétique qui dominent à nouveau une vision plus continue, voire organique de la ville, a amené les décideurs, aménageurs, comme les urbanistes a préconiser la variété de concepteurs afin de tendre vers cette diversité tant attendue. Contrairement à cette différentiation conceptuelle et scripturale recherchée, la qualité architecturale du "tout", de l'échelle urbaine : ilot, parcelle, ensemble quartier etc. se doit d'être plus cohérente. Le motif en est double, d'abord dans la conception urbaine partagée, reflet de la culture occidentale, la structure se fait autour de l'espace et du bâtiment public. La composition urbaine, par ailleurs bien plus permanente que celle des objets immobiliers, domine le "remplissage" des parcelles. Ainsi l'architecture de l'opération immobilière "privée" se soumet à la structure urbaine "publique". Ensuite, la hiérarchie des masses bâties, vision également culturelle mais constante, favorise le lieu unique collectif face aux objets courants et individuellement appropriés. Le bâtiment public est ainsi naturellement mis en scène, dans l'axe, en symétrie ou en front de rue. L'habitat, par contre, fait le continuum de la rue, il est ainsi contraint à une relative discrétion. La qualité architecturale de l'ensemble s'exprime avec d'autres dispositifs : ceux de l'alignement, des volumétries, des orientations, des perméabilités visuelles et praticables. Pour la servir, tous les outils du paysage urbain, au sol comme en volume, viennent conforter les cahiers de prescriptions pour les opérations immobilières. Le minimum de la conception urbaine est de veiller à la cohérence fonctionnelle du territoire, ainsi un ilot doit voir ses règles d'accessibilité préalablement fixées. Par exemple, les autos rentrent dans l'ilot, pour y rejoindre leur stationnement, les accès piétons sont organisés en extérieur sur les faces en contact avec l'espace public. On conçoit aisément qu'un mélange des situations (immeubles commandés par la voirie ou par l'ilot, automobiles croisant les cheminements et avoisinant les jeux d'enfants) aboutit à une perte de qualité à une dilution fonctionnelle de l'espace. La règle est donc une garantie pour chacun et la fabrication de marges partagées. Le grand ensemble, souvent à l'origine du quartier en renouvellement, avait renié ces principes puisque le bâtiment d'habitat était non seulement monumentalisé mais aussi normalisé donc peu différentié. Le dispositif est désormais inversé. Le risque consiste à n'avoir qu'une seule réponse : soit de généraliser les outils de la diversité et de laisser chacun faire son "œuvre" sans cohérence urbaine, soit de prédessiner toutes les opérations.Le rôle de l'urbaniste en chef est alors particulièrement difficile, le plan guide doit s'imposer avec force mais il faut également qu'il s'assure de la cohérence de chaque opération avec l'ensemble. Ecrivain des futurs potentiels avant les choix puis gardien de la continuité de l'approche urbaine dans le temps du changement, il est aussi comptable que chaque action s'inscrit en valorisation de l'ensemble. Le meilleur mode de travail est, pour cette dernière tache, celui de la négociation. toutes les options ne peuvent être prévues, et la force de la structure urbaine, comme la cohérence d'un ilot, peuvent être obtenues et renforcées par la coordination des différents acteurs. La tache de l'urbaniste en chef, présent avant et garant pendant le changement, le met dans une situation de coordinateur spatial. La mission qui lui est confiée doit asseoir son autorité, son habileté et son indépendance doivent le rendre respecté et écouté. C'est la condition des qualités urbaines et architecturales.

jeudi 23 juin 2011

Selon l'Insee, il n'y a pas de bulle dans l'immobilier

Article vu sur LEMONDE.FR avec Reuters | 17.05.11

Selon l'Insee, l'envolée des prix de l'immobilier en France ces dernières années semble davantage liée à la pénurie d'offre qu'à la spéculation financière. Le directeur général de l'Institut national de la statistique, Jean-Philippe Cotis, a ainsi estimé, mardi 17 mai, que la situation française diffère de celle des pays anglo-saxons, ou de l'Espagne.
Cette opinion tranche avec celle du Centre d'analyse stratégique (CAS), organisme dépendant du premier ministre, qui évoquait fin avril la création d'une "bulle" de l'immobilier en France, susceptible de se dégonfler avec des effets néfastes. Selonl'étude publiée mardi par l'Insee, les prix des logements anciens en France ont augmenté de 141 % sur la période 1998-2010, soit plus de trois fois plus vite que les revenus (+ 43 %).
Parallèlement, les loyers, qui sont encadrés, progressaient de 33 %, soit en moyenne 2,4 % par an : un rythme supérieur à celui de l'inflation. La courbe des prix immobiliers en France a ainsi connu jusqu'en 2007 une trajectoire relativement similaire à celle des Etats-Unis.
"RENTES DE RARETÉ PHYSIQUE"
Mais les deux marchés n'ont pas vécu la crise de la même façon : alors que les prix de l'ancien chutaient rapidement sur le marché américain pour retrouver dès 2009 un niveau proche de celui du début des années 2000, la correction en France a été limitée (- 7 % en 2009), et les prix sont vite repartis à la hausse (+ 6,3 % en 2010), tout comme le volume des transactions, quasiment revenu à son niveau d'avant-crise.
Pour autant, le niveau des prix en France ne résulte pas forcément de"déséquilibres financiers", a estimé Jean-Philippe Cotis lors d'une conférence de presse. "En France, on ne voit pas une envolée de l'investissement, un excès d'investissement dans l'immobilier qui aurait pu justifier une embardée comme celle qu'on a vue dans les pays anglo-saxons ou en Espagne", a-t-il dit. "On est plus du côté de la sphère réelle de l'économie et de la rareté physique que du côté de complications financières", a-t-il ajouté.
Selon les derniers chiffres de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), les mises en vente de logements en France ont diminué de 11 % au premier trimestre par rapport à la même période l'an dernier. Soulignant le rôle joué par la pénurie d'offre immobilière, Jean-Philippe Cotis a évoqué le niveau "relativement modeste"de l'investissement dans la construction. "La situation en France et au Royaume-Uni semblent donc refléter des rentes de rareté physique", a-t-il poursuivi, en notant que la faiblesse des taux d'intérêt avait eu des effets différents aux Etats-Unis et en Espagne, "où la dimension spéculative [est] clairement établie".

Quand revenus modestes et copropriété font mauvais ménage

Un article du monde / LEMONDE.FR | 22.06.11 | 19h36


L'accès à la propriété n'est pas toujours une sinécure, loin de là. Dans son documentaire intitulé "L'Enfer des petits copropriétaires", Caroline Benarrosh est partie à la rencontre, en Ile-de-France et en Bretagne, de petits propriétaires incapables de payer des charges écrasantes et confrontés à la vétusté, voire l'insalubrité de leur habitat.
Cette situation, Philippe Delaroa la connaît bien en sa qualité de directeur du PACT Paris, une association destinée à améliorer le confort et la salubrité des logements, et qui compte 148 antennes en France. Parmi ses interlocuteurs figurent nombre de personnes qui, faute de pouvoir accéder au parc locatif ou d'obtenir un logement social, n'ont eu d'autre option, pour se loger, que d'acheter là où les prix sont les plus bas. Pour eux, la copropriété n'est pas un choix...
En France, plus de la moitié des copropriétaires ont des revenus modestes, et bien souvent, "les charges sont oubliées des plans de financement". "Quand vous avez tout dépensé pour un achat, souvent à crédit, vous remettez l'entretien et les travaux à plus tard", explique Philippe Delaroa, qui parle de "spirale qui mène très vite à une dégradation". Il dénonce un manque d'information des acheteurs lors de la vente et la défaillance de certains syndics qui peinent à parvenir à une gestion correcte. Enfin, la dégradation des copropriétés est surtout à mettre sur le compte de l'appauvrissement de ses occupants, qui n'ont pas les moyens de prendre en charge la réparation des ascenseurs ou la remise en état de parties communes dégradées.
UNE NÉCESSAIRE INTERVENTION
Face à ces copropriétés en difficulté, estime Philippe Delaroa, "il faut mettre en place des mécanismes de redressement avant qu'il ne soit trop tard", à savoir que les bâtiments deviennent insalubres au point de devoir être rasés. Une extrémité qui coûte beaucoup plus cher aux collectivités territoriales que des plans de sauvegarde.
C'est pourquoi les pouvoirs publics s'engagent, notamment par l'intermédiaire de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Créée en 1971, l'ANAH entend "mettre en œuvre la politique nationale de développement et d'amélioration du parc de logements privés existants" en accordant des subventions aux copropriétaires. Mais pour beaucoup d'entre eux, condamnés à rester dans un habitat qui se dégrade, cela reste encore très insuffisant.
Hélène David

jeudi 16 juin 2011

Pour une anthropologie de la mobilité : un livre de Marc Augé à lire







Pour une anthropologie de la mobilité Voir la quatrieme de couverture



Pour une anthropologie de la mobilité | Marc Augé

Genre : Philosophie
Collection : Manuels Payot
Grand format | 96 pages. | Paru le : 08-04-2009 | Prix : 12.00 €

GENCOD : 9782228904247 | I.S.B.N. : 2-228-90424-4
Editions : Payot






Nous ne vivons pas dans un monde achevé, dont nous n'aurions plus qu'à célébrer la perfection. L'idée même de démocratie est toujours inachevée, toujours à conquérir.
Il y a dans l'idée de globalisation, et chez ceux qui s'en réclament, une idée de l'achèvement du monde et de l'arrêt du temps qui dénote une absence d'imagination et un engluement dans le présent qui sont profondément contraires à l'esprit scientifique et à la morale politique.
Il nous faut ajourd'hui repenser la frontière, cette réalité sans cesse déniée et sans cesse réaffirmée. Il faut repenser la notion de frontière pour essayer de comprendre les contradictions qui affectent l'histoire contemporaine.
Une frontière n'est pas un barrage, c'est un passage. Les frontières ne s'effacent jamais, elles se redessinent. La frontière a toujours une dimension temporelle : c'est la forme de l'avenir et, peut-être, de l'espoir. Voilà ce que ne devraient pas oublier les idéologues du monde contemporain qui souffrent tour à tour de trop d'optimisme ou de trop de pessimisme, de trop d'arrogance dans tous les cas.

vendredi 29 avril 2011

Les HLM vus par les Français : vers la fin des stéréotypes ?

Un article du Moniteur

Les HLM vus par les Français : vers la fin des stéréotypes ?

Laurence Francqueville | 28/04/2011 | 18:20 | Logement

Agrandir la photo
© Phovoir-images
Façade de HLM
Contrairement aux idées reçues, le premier sondage d'opinion lancé par le mouvement HLM montre que la majorité des Français ont une bonne image des HLM. Et ont une vision assez claire et ambitieuse des missions des Offices, gestionnaires mais aussi bâtisseurs.

Créer une alerte sur ce sujet
58% des Français ont une "bonne image" des HLM, qui totalisent 4,2 millions de logements et abritent plus de 10 millions de Français. Ce chiffre atteint même 75% chez les personnes qui y habitent. C'est ce qui ressort du premier baromètre d'image (*) publié le 28 avril par l'Union sociale pour l'habitat (USH), qui regroupe l'ensemble des organismes HLM. Mais paradoxalement, l'image globalement perçue par les Français reste négative puisque 74% des personnes interrogées estiment que leurs compatriotes ont une mauvaise image des HLM.
Principal motif de satisfaction pour Thierry Repentin, président de l'USH et sénateur (PS), la reconnaissance du rapport qualité/prix des HLM, opinion qu'il estime tout à fait justifiée: « 30% des logements sociaux ont été construits après 1986, leur taille moyenne est de 69% (contre 66 m² dans le privé) et la quittance mensuelle moyenne est de 500 euros (soit deux fois moins que dans le parc privé dans les grandes agglomérations)». 74% des Français jugent ainsi que les HLM sont des lieux de vie comme les autres et 59% désapprouvent l'affirmation selon laquelle les HLM seraient des « ghettos ».
Le président se dit toutefois déçu de la perception globale qu'ont les Français de la qualité des logements HLM (consommation d'énergie, propreté, sécurité, ...) même si 72% d'entre eux considèrent qu'ils ont beaucoup progressé sur le plan architectural. M. Repentin rappelle ainsi que «la taille moyenne d'une opération est de 20 logements et que l'habitat individuel en ville ou en lotissement représente près de 30% de la production neuve. Que les logements sociaux affichent une consommation énergétique inférieure de 30% à celle du secteur résidentiel, que la consommation d'eau y est de 100/l/jour/habitant (contre 150 au niveau national), que la collecte sélective des déchets est en place dans 70% du parc (contre moins de 50% dans le privé) et que le parc HLM respecte mieux que le privé les réglementations de mise en sécurité, par exemple pour les ascenseurs (98% contre 94%) ».
« Je me réjouis de ces résultats. Ils montrent que les Français, loin des clichés souvent martelés sur les HLM, nourrissent une vision et des projets pour le logement social qui doivent pousser tous les acteurs à évoluer », affirme Thierry Repentin, qui prend note que les Français privilégient quatre priorités d'action pour le mouvement HLM : la réduction de la consommation énergétique, la construction de davantage de logements sociaux pour répondre à la demande, la rénovation des logements existants et la clarification des conditions d'attribution des logements. « Construire plus, construire mieux, demeure notre objectif prioritaire. Nous nous mobilisons sans relâche, dans un contexte de réduction drastique des crédits, pour contribuer à résorber la pénurie de logements. On ne peut rester sourd à l'appel de 80% de nos concitoyens qui estiment qu'il n'y a pas assez de logements sociaux en France », affirme M. Repentin.
Laurence Francqueville | Source LE MONITEUR HEBDO
(*)Sondage réalisé du 5 au 14 avril par TNS Sofres auprès d'un échantillon national de 1 000 personnes, représentatif de l'ensemble de la population française âgée de 18 ans et plus (comprenant un peu moins de 200 locataires HLM), auquel a été ajouté un suréchantillon de 200 locataires HLM.

mardi 26 avril 2011

Nombre de métropoles de province ont compris quel appui peut représenter l'architecture pour leur image

Les architectes livrent bataille à Paris


LEMONDE | 23.04.11 | 14h58  •  Mis à jour le 24.04.11 | 19h47

Pour vivre heureux vivons cachés", sont conduits à se dire nombre d'architectes coincés entre un resserrement général des budgets et une avalanche de règlements aux conséquences inflationnistes. A l'occasion du dernier Marché international des professionnels de l'immobilier (MIPIM), qui se tenait au mois de mars à Cannes, le magazine d'architecture D'A résumait efficacement la situation : "S'il faut se réjouir de la participation croissante des architectes, le rôle se cantonne trop souvent à celui de faire-valoir." Bon nombre de métropoles de province ont compris quel appui peut représenter l'architecture pour leur image.
La situation parisienne et de plusieurs des villes de la première couronne - surtout à l'Ouest - reste à cet égard une étrangeté. Paris apparaît comme un microcosme où les tensions entre partisans d'une architecture audacieuse et défenseurs d'un patrimoine rêvé comme immuable peuvent devenir paroxystiques. L'innocente arrivée presque au chevet de Notre-Dame d'une soucoupe volante signée Zaha Hadid, qui servira d'extension à l'Institut du monde arabe (IMA), conduit à s'interroger sur les critères d'acceptabilité ou de refus des bâtiments contemporains.
C'est dans l'Est parisien que l'architecture contemporaine tend à s'ancrer le plus facilement. Facilité toute relative. Un petit tour dans le Marais et, au-delà, dans les 11e et 12e arrondissements de la capitale fait découvrir un drôle de monde, terriblement contraint par des limites de hauteur, des gabarits imposés, des parcelles quasi immuables depuis la nuit des temps, voire intouchables lorsqu'il s'agit des tracés dits "haussmanniens", hérités de la deuxième moitié du XIXe siècle.
On ne remarque presque plus l'inénarrable Opéra Bastille qui, en 1989, a propulsé son architecte, Carlos Ott, sur la scène internationale. Lourd et stupide rhinocéros, il poursuit sans urbanité sa sieste tranquille près du bassin de l'Arsenal. Mais, dans le même quartier, deux bâtiments de taille singulièrement modeste ont réveillé les passions. Le premier, dû à Thomas Corbasson et Karin Chartier, 74, rue Saint-Antoine, se présente comme une grande grille métallique qui, en lieu et place d'un minuscule "trou" urbain, cache onze appartements et une poissonnerie. Pas mal d'agilité, pas vraiment de génie ni de scandale. Pourtant les blogs se sont mis à crépiter, les uns criant au viol patrimonial, les autres s'extasiant sur un exploit qui paraîtrait banal à Berlin, Madrid ou Londres.
Le second côtoie immédiatement le pachyderme de la Bastille. La parcelle n'était pas plus grande ni plus confortable, et plus exposée encore au jugement populaire. A l'angle de la rue de Lyon et du boulevard de la Bastille, Jean Bocabeille et Ignacio Prego ont juste imaginé un petit flagship, modeste vaisseau coloré, dont le premier atout est de réparer une des cicatrices laissées par l'opération Opéra. Même bruit sur les blogs.
On ne les entend en revanche pas 91, rue de La Fontaine-au-Roi, où Brigitte Metra, une championne venue de chez Jean Nouvel, a livré soixante-deux logements étudiants, carrossés de volets rouges pétants, bien alignés sur la rue, en hauteur comme en longueur. Passé par la même école, Laurent Niget s'est installé en face, au 88. Pour faire exister quarante-six logements de même standing, il a donné un charmant caractère gothique (et rouge vif lui aussi) à un immeuble légèrement bedonnant. Le quartier, qui n'est donc pas tout à fait vitrifié, livre d'autres surprises, calmes et classiques, ou agressives à souhait, dans la lignée des logements construits par la RIVP sous la houlette de Michel Lombardini, ou, dans le même esprit d'ouverture, par La Poste.
Au tournant des années 1990, ces maîtres d'ouvrage ont contribué à faire émerger une génération douée à l'architecture éclectique. Emprisonné dans les règlements et contraintes, l'éclectisme est resté la loi, juxtaposant sobriété, exubérance, provocation, modestie forcée, jusqu'à rendre illisible les enjeux actuels de l'architecture.
Du coup, les attaques deviennent faciles dans les quartiers plus fermés. Alors que Zaha Hadid arrivait, une partie des habitants de l'Ouest parisien tentait de bloquer la construction par Frank Ghery de la Fondation Louis Vuitton sur une parcelle du bois de Boulogne. Même sanction pour le projet du stade Jean-Bouin, à une portée de canon du Jardin d'acclimatation, signé par un des plus brillants architectes français, Rudy Ricciotti, ou pour le projet d'extension de Roland-Garros de Marc Mimram.
Dans cet Ouest lointain, l'architecture apparaît en déroute. La nouvelle comme la moins neuve. De lourdes menaces pèsent sur un des rares édifices survivants du trapèze des usines Renault à Boulogne : le 57 Métal, construit en 1984 par Claude Vasconi (1940-2009), vitrine du groupe remise au goût du jour par l'universel Jean-Michel Wilmotte. Un sort comparable attendrait l'Ecole d'architecture de Nanterre construite en 1972 par Jacques Kalisz (1926-2002). Pour sauver ces deux bâtiments, les pétitions vont bon train mais les associations qui les défendent, réunissant davantage d'architectes que d'électeurs, risquent de ne pas peser le même poids dans le coeur des édiles.
Frédéric Edelmann Article paru dans l'édition du 24.04.11

mercredi 9 mars 2011

Contribution sur la maitrise d'œuvre urbaine en projet de renouvellement


L'idée permanente selon laquelle le projet pour être mené à bien et coordonné efficacement doit être conduit par un urbaniste en chef, missionné sur la durée et investi de la confiance du décideur – porteur du projet, doit sinon être vérifiée, au moins analysée.

Il apparaît, à la suite d'entretiens avec des maitres d'œuvre urbains et de constats de terrain que le principe est plus complexe que formulé plus haut.
On notera que, lors de nos investigations, seuls 40% des maitres d'œuvre étaient encore missionnés au moment de l'entretien.
Signalons la confirmation du principe cité plus haut : 
Dès que la mission du concepteur prend fin et n'est pas confiée à un autre urbaniste d'autorité, les désordres dans la mise en ordre des opérations immobilières comme dans l'espace public sont beaucoup plus fréquents. La conception de chaque objet domine alors rapidement la cohérence urbaine et affaiblit la recomposition en cours. La qualité globale du renouvellement en souffre d'évidence. 
Si le concepteur initial se laisse cantonner à la fonction d'expression des priorités de chacun, sans soit scénariser les futurs possibles, soit sans expliciter les choix à faire, la stratégie de renouvellement se dilue rapidement. Dans nombre de cas la radicalité du projet, gage d'efficacité est initialement portée avec vigueur par le concepteur. 
La faiblesse des cahiers des charges, voire leur absence, débouche inévitablement sur un affaiblissement des principes de régénération du site et une dispersion des priorités.
Signalons comme infirmation ou nuance :
· Dans un des cas, le cap est tenu par le maitre d'ouvrage, cet élément n'apparaît pas immédiatement mais à la lecture spatiale et durant les explications des acteurs, on constate une forte diversité d'intervenants maitres d'œuvre, tous de qualité, mais sans autorité l'un sur l'autre. L'exception ne s'explique que par la présence historique et influente d'un homme de l'art, ayant construit et structuré la stratégie menée par les élus. De plus une maitrise d'ouvrage fortement aguerrie (ville et bailleur) cadre fortement le processus.
· Dans un autre cas , la présence du maitre d'œuvre est tellement forte qu'il nous a semblé que la maitrise d'ouvrage risquait le manque de recul.
En conséquence, il apparaît que :
· La maitrise d'œuvre ne peut se substituer à la maitrise d'ouvrage, mais elle participe à sa mise en compétence et sa conscience des différents aspects du projet. Souvent c'est elle qui tient l'histoire du projet, et par sa maitrise des éléments graphiques décrit seule le déroulement logique des arbitrages spatiaux.
· La maitrise d'ouvrage ne peut jamais se substituer à la maitrise d'œuvre. Au mieux elle peut l'organiser et donc la démultiplier, mais cela demande une compétence considérable et des individus de grande valeur et en maturité, vis à vis des édiles.
· Le fractionnement de la maitrise d'œuvre urbaine (conception, mission de suivi des projets, maitrise d'œuvre des espaces publics, tenue du plan directeur) représente un risque important d'effondrement de la qualité urbaine. Celui ci ne doit être pris qu'en cas de divergences importantes et d'impossibilités d'œuvrer harmonieusement vers le projet. En tous cas, la mission doit être effectuée, si possible par un acteur extérieur aux porteurs et impérativement par un professionnel de l'espace (urbaniste assurément mais d'origine architecte ou paysagiste, averti de la conception)
· Le rôle de l'urbaniste en chef demande aux architectes de se défaire de la prédominance de maitrise d'œuvre architecturale. Le métier est spécifique et exige une attitude orientée vers la globalité du projet et la cohérence de l'action sur le territoire. De plus, il demande autorité et pédagogie. Une bonne partie de la mission consiste à accompagner la maitrise d'ouvrage dans la définition des priorités du projet, puis à maintenir le cap durant les périodes, normales, de remise en question des éléments du projet. Un autre pan de la fonction comprend la défense du projet urbain face aux maitrises d'œuvre spécifiques, immobilières ou paysagères, même et surtout celles des services techniques.
En conclusion,
· Le rôle de l'urbaniste en chef est difficile et long, voire parfois frustrant (face à la maitrise d'œuvre immobilière) mais indispensable pour la cohérence et la qualité urbaine.
· La conception ne s'arrête pas à la fabrication du plan guide, elle se décline tout au long du renouvellement physique. Le projet doit être réinterrogé en permanence.
· Il y aurait intérêt à jumeler la conception urbaine désormais bien synchronisée avec la conception immobilière, grâce aux cahiers des charges, à la conception de la gestion urbaine sous des processus à expérimenter.
· Si tous les urbanistes en chef, nous sont apparus toujours très passionnés, une majorité exprimait un sentiment d'insatisfaction sur les arbitrages rendus et parfois sur les suites données à leurs missions (indépendamment des marchés non renouvelés). La frustration de n'avoir pu maitriser totalement le processus, préoccupation forte qui est cohérente avec l'aspiration commune des architectes à l'œuvre complète et achevée, explique sans doute ce sentiment. Cependant, la formulation fréquente de "gâchis" dans la mise en œuvre du projet n'est pas à balayer.
· Si les chefs de projet et les opérateurs immobiliers Hlm, ont désormais la possibilité de se former grâce à l'Ecole de la Rénovation Urbaine, il n'en est pas de même des acteurs de la maitrise d'œuvre urbaine. L'expérience personnelle prévaut, elle est souvent de grande qualité mais les acquis de la décennie sont forts nombreux et peu mis en commun par professionnels de la maitrise d'œuvre urbaine. Les équipes maitrisent un excellent niveau théorique et des capacités professionnelles importantes, il y aurait cependant intérêt à ce que la génération montante puisse capitaliser autrement que strictement dans l'agence d'emploi.


La gradation de l'autorité déployée par le concepteur urbain, dans notre ressenti, a des effets différents suivant le portage de la maitrise d'ouvrage, tant de la ville que des bailleurs – opérateurs.
Si l'on décrit le spectre des personnalités et mission les extrêmes sont tenus par :
· Le "maitre" ayant analysé et sachant ce qui est nécessaire et fabricant un discours complet sur la totalité du territoire avec une vision fortement globalisante. Il maitrise directement le processus, sa mise en œuvre et sa communication.
· Le bureau d'étude missionné pour tracer un plan d'action, avec quelques options et dont le travail est essentiellement porté par l'analyse de la maitrise d'ouvrage. De fait il n'interroge pas la stratégie urbaine, parfois implicite, de la collectivité. Sa position ne se justifie que pour faire un "dossier ANRU"
Au milieu de ces postures se trouvent les acteurs méthodiques et attentifs qui construisent une analyse urbaine rigoureuse, un diagnostic multidisciplinaire, fabriquent des scénarisations subtiles pour que les acteurs s'approprient le processus et l'imprègnent de leurs valeurs. Ils conduisent le projet avec opiniâtreté dans un rapport de complémentarité avec le chef de projet. Leurs qualités sont apparemment contradictoires, fermeté et écoute des partenaires, défenseur du plan guide et de la qualité publique mais ouverts aux évolutions et capables de saisir toutes les opportunités. Souvent ce travail est effectué par un binôme, patron d'agence et chargé de projet, capitalisant ainsi les avantages des deux profils.
Signalons également des cas de figure spécifiques, ceux ou la mission est partagée entre plusieurs bureaux. Ce formidable démultiplicateur ne fonctionne cependant que dans le cas de maitrises d'ouvrage puissantes et dotées de permanence sure (collectivité, bailleur et aménageur). D'évidence ce modèle peut fonctionner mais il ne peut être généralisé. Sa cohérence ne se justifie que quand le territoire est déjà appréhendé et géré avec ce système. Notons également qu'il ne peut être aussi performant économiquement que le processus courant complet, car il nécessite d'importants moments de transmission.