samedi 1 septembre 2007

Au bistrot on parle d’habitat


Pour éviter tout malentendu et participer à cadrer progressivement, il est préférable d’afficher les valeurs et les principes établis. Ces propos ne sont ni exclusifs ni excluants mais participent à présenter des options de travail.

a) La maitrise d’ouvrage n’est plus ce que l’on croit.
Le méchant promoteur à cigare et costume rayé, n’existe plus. L’organisme d’HLM, bureaucratique et asservi au financement d’une collectivité, pas plus. Les équipes de maitrise d’ouvrage sont souvent fortes et professionnelles. La culture architecturale fait partie de l’investissement. La formation initiale y est nettement en hausse. Le travail sur la définition des “produits” est permanent, professionnel et éclairé par des sociologues avertis.
b) Le rôle du maitre d’œuvre est profondément changé.
En conséquence du propos précédent, les attentes sont à la hausse mais aussi différentes. Le maitre d’œuvre ne décline plus un savoir immuable mais participe à la mise en place et à l’optimisation d’un cadre de vie dont la cible (population) et les principes statutaires sont déterminés par le maitre d’ouvrage. Le maitre d’œuvre ne programme plus mais il expérimente des pistes, scénarise et évalue des options. Sa connaissance de l’espace l’amène à articuler les méthodes d’approche, hiérarchiser les objectifs et à fabriquer un processus de conception spécifique à chaque opération. Sa culture lui permet de référencer chaque option, de l’illustrer afin de participer à démarche, souvent collective, d’arbitrage.
c) L’habitat est une filière
Acte économique courant, l’investissement habitat voit une validation économique simple et sans appel. La richesse produite est elle monétairement à la hauteur du placement ? Ce point fait différer sa maitrise d’ouvrage de celle du bâtiment public et même des lieux de travail ou des équipements. Hormis pour les particuliers, l’habitat n’est pas un acte unique. Il y a donc des routines, des habitudes propres à un “milieu” professionnel.
d) L’habitat est d’abord un fait urbain
Ce principe ne veut pas signifier que l’habitat ne serait pas rural mais simplement que la qualité de l’habitat, et à fortiori celle de son architecture, est un fait urbain et non une situation d’isolat.
La maitrise d’œuvre ne peut, pas plus qu’ailleurs, se réduire à concevoir et à construire un bâtiment.
La question de la ville compacte, joliment intitulée ville intense, domine désormais la pensée urbaine et celle sur l’habitat. Il est certes déplorable que cette vision ne soit pas étendue aux hypercommerces, aux transports et aux activités mais ne dispense pas le logement d’exemplarité. La question de l’aménagement et de l’urbanisme sont ainsi indissolublement liés à l’habitat.
e) La conception est cadrée
L’habitat est le constituant majeur de la ville, l’apologie de la banalité est alors une obligation. Banalité ne veut dire que simplicité et efficacité. Il apparaît que le logement ne peut pas être l’objet de la virtuosité à tout prix ni du manifeste permanent. Ce point n’interdit nullement la recherche et la refondation mais exclut le culte de l’objet.
La politique de modèle a, justement, mauvaise presse cependant l’usage décliné des typologies déjà éprouvées, est facteur de progrès et d’améliorations. Le travail de réinterprétation permanente permet, au regard de la trop faible taille des opérations moyennes, d’investir durablement dans la recherche d’un produit complexe, semblables et toujours différent.
f) La capitalisation des savoirs manque
La qualité architecturale nécessaire à la mise en place d’un cadre bâti adapté à la ville, à la population et à la durée demande savoirs, pratique régulière et expérimentation. L’objectif c’est l’efficacité à long terme, la cohérence, la capacité adaptative et enfin le support à la vie en société. Le sujet est complexe, les domaines nombreux, les outils, finalement, peu fréquents. Cela interpelle la formation initiale comme permanente et l’édition (bien qu’en très net progrès).
g) La diversité des acteurs et la coordination
Les opérateurs se partagent de plus en plus souvent des tènements, les montages d’opérations y sont de plus en plus complexes et imbriqués. C’est facteur de diversité, tant mieux. Cependant de multiples maitres d’œuvre et différents maires d’ouvrage sur un même projet ne facilitent pas la cohérence. De nouvelles pratiques et des rôles neufs doivent apparaître pour fabriquer de la compatibilité et de l’arbitrage. Le besoin est patent chez les opérateurs (surtout aménageurs) il est sous jacent chez les architectes.
h) Le développement durable n’est pas un tuyau
D’évidence l’approche environnementale de notre mode de vie n’est pas une tocade collective ou une mode. Son impact sur le désastre prévisible est reconnu. Il est totalement impossible de considérer sérieusement que cela représente une couche de travail et de contraintes en plus. C’est une reconsidération complète qu’il faut effectuer au regard des pratiques naissantes. Accessoirement, il est vain et contre productif de figer ces nouvelles pratiques dans des procédures, des contrôles ou de labels.
L’enjeu est considérable, la posture ne suffira pas, il faut repartir des fondamentaux. C’est une chance pour l’architecture et l’habitat.
i) Modes de vie – mode d’espaces
Les manières de vivre de nos contemporains n’ont jamais été aussi diverses. Un demi-siècle de production basée sur le concept du “français moyen” ne nous a pas habitué à cette situation. Les carcans administratifs diminuent, trop lentement, mais la production du cadre bâti peut suivre des cheminements nouveaux.
Le processus statutaire d’accession à la propriété peut évoluer (dissociations foncier/immobilier, autopromotion immobilière), les mutations progressives (par exemple, location attribution, hypothèques rechargeables et prêts mutables) reviennent.
La formulation des besoins et des solutions proposées est un exercice à faire. Ces refondations vont créer débats entre les maitres d’œuvre et les maitres d’ouvrages.
Les bonnes conditions du débat constructif, - sur la réalité et la pratique et non pas sur des politiques souhaitables - sont renforcées par une production importante désormais assagie et conditionnée par le foncier.
Modes d’actions attendus
Par expérience, nous estimons que c’est de la pratique que se nourrit le débat. Il nous semble utile de construire une capitalisation des savoirs à partir des rencontres mixtes et autour de réalisations.
La rencontre thématique et sur site (type M2O http://m2o.reseau.free.fr/HabitatIntermediaire.html ) apparait comme un dispositif apprécié et efficace pour débattre et diffuser des principes de qualité.
Il nous apparaît qu’une série de rencontres professionnelles autour de réalisations exemplaires, basées sur la visite des réalisations et la présentation du processus par leurs auteurs sont de nature à essaimer des concepts nouveaux et diffuser des partis courageux. Le territoire le plus adéquat serait la région ou un groupe de région. Cela, car les acteurs sont souvent locaux et en réseaux informels mais actifs.
Dans un second temps, le principe d’ateliers intensifs, en lien avec une collectivité et réunissant opérateurs et concepteurs peut déboucher sur des propositions intéressantes. Le principe de faire travailler en équipe les acteurs des maitrises d’ouvrage et d’œuvre permet de construire des synergies et des pratiques nouvelles. Une importante préparation est indispensable et une capitalisation professionnelle nécessitera des observateurs-acteurs nombreux et différents (anthropologues - sociologues, praticiens non concurrents, consultants).
Ces deux pistes, guère originales mais efficaces, sont à perfectionner et à tester pour capitaliser les savoirs, diffuser des tendances et anticiper les acquis.
Affaire à suivre …