samedi 22 décembre 2007

Au bistrot, on parle de logement (suite 2)


La crise, les crises car celle du logement est celle des quartiers ne sont pas séparées, créent l’unanimité. Il est évident qu’elles sont insupportables, que les premières victimes en sont les plus pauvres et que le dommage au développement de la société est très important.
Ce constat étant fait, l’action ne peut être que articulée autour de deux grands principes.
  • Lutter contre les effets
  • Lutter contre les causes
Chacune de ces priorités est indépendante de l’autre, voire contradictoire dans ses effets immédiats, et pourtant elles sont toutes aussi importantes l’une que l’autre.
Pour lutter contre les effets de la crise que je vois 4 axes majeurs :
  • la fluidité des marchés
  • la sécurisation
  • la résorption de la vacance
  • l’amélioration de l’image HLM
La fluidité du marché demande, d’abord, un changement de posture. De manière très française nous adorons faire des catégories : des logements étudiants sont vacants, des jeunes travailleurs ne trouvent pas pour habiter. On construit des PLS mais on manque de PLUS. Les différents parcs aidés doivent trouver également une synergie interne. Les parcs HLM en particulier doivent entrer dans une logique territoriale alors que seule la logique patrimoniale, légitime, est en oeuvre actuellement, spécialement sur le territoire de la communauté urbaine. Il est aussi évident que la transformation de la politique habitat en politique fiscale a des inconvénients : la fabrication d’un “produit habitat” en fait un produit d’investissement qui ne correspond pas totalement à la réalité des besoins. Cela entraîne des difficultés d’accès au logement, des difficultés de solvabilité, et des déboires futurs pour les investisseurs

La sécurisation demande également un changement d’attitude, la question du garant pour l’accès au logement des plus démunis, ou même des jeunes qui s’installent, est révélatrice. Le Locapass initialement mis en place pour faciliter l’accès et rassurer les propriétaires, aboutit à stigmatiser les bénéficiaires. Le marché est tendu et la facilité règne, il faut dire que, pour un propriétaire, le risque n’est pas anodin : quatre années au minimum pour sortir un locataire récalcitrant même de très mauvaise foi ! Certes la protection du locataire est indispensable mais elle est devenue trop compliquée et avec des effets collatéraux dramatiques. La question de la sécurisation est l’objet d’un débat national et à mon avis ne doit pas être traité au niveau local, cela n’empêche pas de faciliter et de dynamiser l’usage des dispositifs de substitution à la caution.
La vacance est une plaie urbaine, des logements vides occupent le territoire, mobilisent des services et ne servent à personne. Des projets et des tentatives de fiscalité appropriée existent mais apparemment sans effet, faut-il les accroître ? Faut-il mettre en place des dispositifs de cession patrimoniale ? Faut-il sécuriser l’usage par des baux emphytéotiques ? Toutes ces solutions sont, sans doute, bonnes et doivent être mises en place simultanément. La lutte contre la vacance et tout particulièrement au centre-ville est une priorité, pour créer du logement, mais surtout pour animer le tissu urbain. Les politiques de résorption de l’habitat insalubre font partie de l’histoire mais doivent probablement être réutilisées et animées avec force et conviction. Mais la résorption des logements vacants ne doit pas avoir comme seul objet la gentryfication des quartiers les plus demandées.
L’image du logement social est désastreuse, à tort : initialement mis en place pour loger les populations modestes et laborieuses, il est désormais confronté à l’hébergement des populations immigrées est démunies. Le patrimoine dont les bailleurs sociaux disposent est très typé, il convient de le faire évoluer sans perdre en quantité et tout en gagnant en qualité. La tâche n’est pas aisée, elle passera par des cessions, des ventes aux habitants, des restructurations massives et de la production. C’est pour cette raison que les politiques des organismes doivent être coordonnées et négociées au niveau local. Le changement d’image est totalement indispensable car on ne compte plus les opérations, ralenties ou arrêtées par des voisins bien-pensants qui imaginent voir déferler un quartier en difficulté pour 12 logements HLM construits au coin de la rue. Il faut communiquer sur les excellentes réalisations récentes. Il faut également dire ce que l’on fait et annoncer la couleur très longuement à l’avance. Il faut, peut-être, changer le nom de certains organismes en particulier les plus publics et les plus grands.
Pour lutter contre les causes de la crise quatre pistes s’ouvrent à nous
  • arrêter de gâcher le foncier
  • avoir une politique publique de maîtrise du foncier
  • monter des opérations crédibles
  • casser la rigidité du parc social
Ne pas gâcher le foncier consiste à l’utiliser pleinement. Il faut préciser que depuis une vingtaine d’années la taille moyenne des opérations baisse, le vélum également et très souvent on se vante d’avoir réalisé 10. 20 ou 30 % de logements en moins que ce qui était juridiquement possible sur la parcelle. Small n’est pas Beautiful ! Certaines villes commencent à réhabiliter des coefficients d’occupation du sol minimum, en Allemagne on oblige des opérations de mixité fonctionnelle avec activité ou commerce au rdc. Toutes ces pistes sont bonnes, il convient de ne pas en faire des religions mais de les traiter simultanément et avec un état d’esprit un peu plus volontaire.
Il ne peut pas y avoir de politique d’aménagement sans foncier public. Le municipalisme social a été fondé avec ce principe. Il faut maîtriser le foncier pour exiger l’aménagement; cela ne nécessite pas une maîtrise d’ouvrage publique totale mais simplement une continuité d’action et une volonté affichée. Très rapidement les partenaires privés comprennent le dispositif et jouent le jeu. La politique de la ville de Nantes est particulièrement intéressante sur cet aspect. Une politique d’acquisitions foncières, même momentanées pour revendre rapidement à un opérateur choisi, permet également de maîtriser les coûts et de stabiliser la spéculation foncière qui bien plus que la spéculation immobilière a pourri le marché ces dernières années.
Des opérations d’aménagement et de construction crédibles sont indispensables à la fabrication des références immobilières et foncières. Pour cela, il faut que les choses sortent de terre, sans atermoiements, sans complications administratives inutiles. La qualité de ces opérations doit être exemplaire sans être exceptionnelle, la recherche de l’exception conduit souvent à des prises de risques inutiles. Le mieux est l’ennemi du bien surtout quand on fait peu. Les règles du jeu que la ville (ou la communauté) entend mener sur le territoire doivent être appliquées sur les opérations : quotité de logements sociaux, cibles environnementales, mixité fonctionnelle, participation aux équipements. C’est dans l’exemple et dans la rapidité de mise en oeuvre, que se prouve le bien-fondé d’une politique. Actuellement Strasbourg est déserté par nombre d’investisseurs y compris ceux à vocation sociale car les opérations sont impossibles à monter, bien trop aléatoires et, de plus, hors de prix pour l’acquisition foncière.
La rigidité des parcs publics et sociaux est un facteur qui freine la régénération des tissus de la ville. Pour ce pour y remédier il faudra négocier des stratégies patrimoniales uniques et coordonnées engageant les opérateurs et la collectivité à l’échelle de deux décennies. La valeur ajoutée du logement social n’est pas dans le stock mais dans la capacité du flux, on a transformé l’outil en objectif. la remise sur le marché d’une faible partie du stock devrait décupler, au delà des pertes, la capacité de production.
On le voit, tous ces éléments sont liés mais la cohérence de ces politiques est régulièrement prouvée. Seul inconvénient : les échelles de temps sont importantes et dépassent l’urgence
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