jeudi 20 décembre 2007

A bistrot on parle d’habitat et d’urbain (suite)


Sur la question de l’intensité urbaine.


L’heure est à la réévaluation de la densité. Le motif est est le développement durable, la nécessite de réduire les transports et l’extension “abusive” des agglomérations. La réponse technique par la densité, n’est qu’un aspect. Il faut convenir que, sous prétexte que certaines banlieues sont perçues comme denses, le mouvement inverse a été sacralisé depuis 30 ans. Sur le Bas Rhin, il y a 4 ans on constatait une baisse régulière de la taille des opérations d’habitat, une baisse du vélum (hauteur des habitations). On constate également une allergie des populations riveraines aux opérations importantes. Il apparaît que ce rejet des développements urbains est caractéristique d’une posture du type “après moi le déluge” mais aussi d’une crainte du syndrome ZUP. L’urbanisation massive et monolithique laisse de longues traces !
En réponse, c’est probablement en prêchant une ville plus intense, plus mixte, plus variée fonctionnellement, plus animée, plus ponctuée que l’on parviendra à des pistes positives. .
La question de la densité en elle même est assez simple. Le territoire national urbain connaît une densité assez base (autour de 27 logts /ha) la ville Haussmanienne de 110 à 150, le lotissement entre 7 et 20. La cible de 80 à 200 est raisonnable pour un centre de ville moyenne, la cible de 45 est cohérente pour des zones agglomérées en rural. C’est donc, pour le faubourg, entre 50 & 70 qu’il faut viser. Attention aux chiffres, suivant le périmètre on peut leur faire dire ce que l’on veut. La ville n’est pas une question d’arithmétique. L’excès d’ambition peut nuire à la réussite de l’amélioration.
Pour des raisons explicitées plus bas, il est également important de laisser des capacité de progressions futures sur chaque site.
La “ville intense” sera probablement le fruit d’une posture raisonnée, ouverte et diverse plus que d’une doctrine.
Sur l’urbain occidental et européen
Le phénomène urbain occidental est un des support de sa civilisation, il est en mutation permanente. Grossièrement, trois doctrines s’affrontent et se combinent. Celle qui déplore la “Cita difusa” c’est à dire la banlieue continue et indistincte (entre Lille et Bruxelles, de Frankfurt à Köln etc…) La concentration des centralités aggrave le phénomène en déqualifiant et en résorbant dans la “suburb” les anciens pôles secondaires. L’enjeu devient alors celui de la préservation de poumons verts par grosses nappes.
La seconde prône des villes de transit organisées autour des nœuds de transports et tablant sur une forte concentration à ces endroits, structurant leurs périphéries.
La dernière théorie, plus modeste propose le polycentrisme et des réseaux de cités s’auto-limitant chacune, une urbanisation progressive construite autour des traces de la structure rurale et des établissement urbain précédents. C’est évidement la plus sympathique.
Sur la question de la mixité sociale, urbaine etc..
La diversité des profils sociaux, économiques et culturels sur un territoire est devenu une aspiration partagée par nos contemporains. Elle succède à une construction du “français moyen” et de l’homme idéal (du Corbusier et de ses amis) qui avait préfiguré les projets de l’après guerre.
Désormais cette aspiration de mixité se retrouve légiféré et applicable, avec une bonne volonté quasi générale. Elle peut cependant se concevoir à plusieurs échelles, celle de l’agglomération avec des quartiers dédiées - c’est une dérive à l’américaine du concept -, celle de l’immeuble avec des statuts différents - c’est une vision optimum un peu lointaine et encore utopique - C’est bien à l’échelle du quartier que se joue l’enjeu et surtout à celle de l’îlot.
A ce niveau c’est la diversité des morphologies d’immobilier habitat, des typologies de logement et des statuts résidentiels qu’il faut agir. On constate alors, à la lueur de la pratique, récente ou retrouvée, que la diversité est facteur de complexité urbaine et d’intensité. La variété typologique et morphologique permet une perception bien plus basse des densités d’occupation. De même la fin du monolithisme immobilier (qui n’a rien à voir avec la monotonie des volumes mais y concourt activement) crée une perception plus complexe de l’îlot concerné, sa classification (inconsciente) dans les standards sociaux est alors plus subtile et plus riche. Cette piste sera fructueuse mais elle demande une qualité de conception bien supérieure et une mise en œuvre notablement plus difficile.
Sur le renouvellement urbain
Je ne reviendrai pas sur la légitimité du principe même de renouvellement urbain qui ressort d’un constat de blocage : Normalement depuis ses origines, la ville se renouvelle spontanément (hormis Néron et quelques barbares !)
Dans le cas de nos grands ensembles c’est la naissance même de l’opération qui porte les germes du blocage. Issue de la tabula rasa, théorisée et pratiquée, construite simultanément par un seul maître d’œuvre avec un langage architectural unique (et souvent d’une singulière pauvreté ), maîtrisée par un seul opérateur ou presque, propriété d’un seul ou de quelques bailleurs. Bref le système est loin d’être auto-correctif et ne permet aucune reprise progressive aucun rapport à une histoire du lieu ancienne ou à écrire. L’erreur courante c’est de recommencer de la même manière : Un concours brillant avec un projet global et définitif pour une action limitée dans le temps.
Il faut abandonner la vision réparatrice du renouvellement urbain et renouer avec les principes du renouvellement permanent. L’ANRU s’engage courageusement dans cette vision. Le renouvellement manie à la fois la réhabilitation et la rénovation. C’est en cela qu’il permettra la gestion du temps et la réintroduction de quartiers artificiels dans le tissu organique de la ville.
Une piste intéressante car pragmatique, composite et socialement porteuse est celle du faubourg. Certes, il n’est pas très ambitieux de proposer à nos banlieues un avenir de faubourg mais en réalité c’est l’aspiration possible. Le faubourg est intéressant car il travaille d’ex-trames agricoles, dons plus vastes, des friches artisanales et industrielles et des échelles de temps variées. Il permet des évolutions pacifiques et progressives, “par casier”, de la structure urbaine. De plus le faubourg marie des textures différentes, grands hangars, villas ouvrières, immeubles de rapports, école “Jules Ferry” et possède un tissu viaire économe mais hiérarchisé, se pose sur des multiplicité de propriétaires et de tailles parcellaires et, enfin, a une capacité à se densifier sur lui même sans difficulté. Il ne convient pas de copier l’apparence du faubourg mais de s’inspirer de ses traces et de ses processus de composition.
Sur le centre et les commerces
La question du centre de la ville est constitutrice de la ville elle même. Ce sont les origines de la ville, le siège des pouvoirs, le lieu de l’excellence (économique, artistique, intellectuelle). Les structures administratives, les hôpitaux, les cinémas, les universités et les sièges d’entreprises ont déserté le noyau urbain. Le pari est d’y substituer autre chose que le point de rassemblement des touristes nostalgiques. Les commerces sont alors la valeur refuge mais insuffisante en raison de leur clôture la nuit et le WE. Les lieux de convivialité : restos, bars et boites de nuit peuvent suppléer mais avec des contraintes rudes.
Concentrons nous sur le commerce, au delà des hypermarchés dont la taille et la conception pensée pour l’automobile est contradictoire avec l’urbain; il subsiste un tissu de commerces, de proximité certes, mais aussi des soins à la personne (habillement, etc..) ,de technologie et de culture. Ils sont dans les centres commerciaux. Pourquoi ? Par confort (circulations couvertes), par sécurité (services partagés) par aspect pratique (cellules commerciales équipées, accessibles et standardisées) Hormis la question du socle de ces centres (surélevés pour l’auto); c’est un concept de l’espace privatisé qui remplace celui de du lieux public. Un centre commercial est fermé durant la nuit et le WE, il est “mort” donc inutile. Monofonctionel, il devient une friche temporelle. Par ailleurs c’est un espace qui est sous la garde de sociétés de surveillance et non du service de l’ordre public. La limite est ainsi évidente, lieu de commerce exclusivement il ne peut remplir la fonction d’”agora” chère à nos origines démocratiques. Accessoirement ce genre de lieux fermés sur eux même présente majoritairement à la ville des arrières c’est à dire des poubelles et des quais de livraison, il y a plus sympa comme paysage !
Ce constat ne serait pas trop gênant si le linéaire de commerce (considérable) ainsi utilisé n’était manquant à la trame urbaine publique des centres villes. C’est donc une réflexion de fond qu’il faut engager pour réhabiliter la rue publique lieu de mélange, de frottements et de passage, de commerce et de loisirs, de permanence et de théâtre etc ..
La couverture de certaines rues pour renouer avec les galeries, les arcades et les marchés couverts est à ré-inventer.
Sur l’habitat
Le travail est en cours : depuis 5 ans, grâce ou avec l’embellie de la promotion, les opérateurs avancent, les concepteurs ouvrent de nouveaux horizons. Les enjeux environnementaux (et particulièrement énergétiques) sont une chance historique.
Dans le logement, l’augmentation du nombre des ménages (durée de vie et séparations) participe fortement à la crise mais change les typologies de logement demandées et produites. La taille baisse mais il faut aussi pouvoir accueillir les enfants le WE. Le besoin est désormais beaucoup plus divers et orienté vers des espaces privatifs extérieurs (balcons terrasses et jardins)
La question de l’évolutivité des logements est encore en panne pour le collectif mais avance vite et bien pour l’individuel, même groupé.
La piste du logement intermédiaire (accès indépendant, mais superposition et espace extérieur à 25 % de la surface de plancher) est une piste encore trop faible mais vraiment prometteuse.
Le statut d’occupation des logements doit également évoluer, entre la location et la propriété classique, il y a des pistes qui se dérouleront dans la propriété progressive (location-attribution) ou partielle et réversible (1 ou deux pièces qui repartent en viager à la retraite). L’autopromotion immobilière (issue des Baugruppen) est également un moyen efficace pour créer du lien social et de l’audace dans la création de patrimoine habité.
Sur le projet urbain
Il n’y a de projets urbain que au service d’une stratégie politique (l’art de gérer la ville - étymologie) C’est une une vision de l’homme, de sa place unique et collective dans le fonctionnement social qui génère une posture. Celle ci fabrique une pensée sur le territoire et le temps, elle n’est pas à l’échelle des échéances mais se combine avec elles. Les coups urbains ne peuvent - et ne doivent - qu’être au service de cette vision. Le reste ce sont des outils et des moyens jamais des finalités. Je recommande la lecture du site de l’ERU à ce sujet et le document sur Nantes à charger sur le lien : http://www.ecoledelarenovationurbaine.com/fileadmin/upload/ConfActrNantes.pdf
Ces principes demandent d’excellent techniciens de l’espace, des élus visionnaires et lucides. Ce n’est pas chose aisée car souvent la vision est celle du technicien, et l’élu se réfugie trop vite dans le comment, faute de pourquoi. Ce n’est pas une critique mais simplement la nature humaine et la facilité devant l’énorme responsabilité de procéder au cadre de vie
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