lundi 10 mars 2008

Et si on parlait de qualité urbaine : de ce qui fait qu’une ville est sympa pour ceux qui y vivent !

Quelques réflexions, encore bien confuses, pour participer à la réflexion sur la qualité urbaine en France en 2008.
1. Définir la qualité urbaine
2. Dans le contexte de la Rénovation Urbaine
3. La prévalence de l’urbanisme dans le processus et la qualité
4. La nature de la ville


QUALITÉ URBAINE : UNE DÉFINITION



La question de la définition et de la nature de ce qui peut être qualitatif dans la ville doit être posée. En effet, il n’est question ni de gout ni de couleur, la qualité urbaine est sinon mesurable, du moins appréhendable. L’appréhension fait l’objet de débats, c’est normal ! Mais elle doit aussi découler du raisonnement et de la mise en place des savoirs, théoriques et pratiques, nombreux depuis 25 siècles.



À l’identique de la définition de la qualité architecturale, la qualité urbaine peut se définir comme une forte proportion de prise en compte de différentes variables.

D’apparence abstraite, cette définition propose, en réalité, la mesure de la qualité comme proportionnelle au niveau de complexité mise en œuvre : complexité de différents critères, hiérarchies, priorités, disciplines et facteurs. Les éléments de cette complexité sont de tous domaines : sociologie, géographie, économie, architecture et même technique

Faute de choix clair, la complexité mise en place, mais non résolue, déroule confusion et complication. C’est à la fois une démarche de conception et une réponse de commande qui permettent d’atteindre le but.

L’étude seule comme réponse, ne peut être susceptible de définir la qualité.



Cette approche s’oppose frontalement à la définition fonctionnaliste de ce que pourrait être la qualité. Il convient évidemment de comprendre le terme de fonctionnel comme celui de la simplicité basique. Il s’agit de fustiger la réponse, exclusivement et prioritairement technique, à une question qui visiblement dépasse largement le comment alors même que le pourquoi n’est pas posé. Il faut d’urgence casser le sens commun qui propose la structuration de l’espace comme un acte technique. Certes, c’est un acte de savoirs mais largement plus vastes et plus sensibles que de gérer du tuyau, de la voirie, de la circulation, des automobiles, des arbres, de l’argent ou des bâtiments.



La définition de la qualité urbaine comme haut niveau de complexité permet d’aborder la question des usages et surtout de leurs différences dans les temps : courts (journée par exemple) où longs (amortissements par exemple).

C’est évidemment, aussi, avec ces principes que l’on construit la diversité fonctionnelle, géographique, temporelle, culturelle et même architecturale !



Dans le contexte d’une société européenne, républicaine et démocratique, respectant l’individu, il apparaît que trois priorités-principes, apparemment partagés par la population,provoqueraient la qualité urbaine :

· l’espace public, et accessoirement le bâtiment public, structurent l’urbain

· l’usage et la relation sont parties des fonctions de base de l’espace urbain

· la variété de la population et des activités qui s’y déroulent sont, désormais à nouveau, des conditions de la ville



1. L’espace public, fait partie de la définition même de la ville. Camillo Sitte définit bien le forum comme l’atrium de la ville, cela montre bien que le cœur de la ville est dans ses “vides”.

Le bâtiment public, lui aussi participe à la fabrication du collectif de “l’affectio societatis”. La hiérarchie devrait donc être claire : la monumentalité n’est pas l’apanage de l’habitation.



2. La ville est le lieu de rencontre et de la confrontation des peuples, elle est aussi celui de l’anonymat et de grande solitude. Cela présente bien la complexité extrême de la question de l’intimité et de la collectivité. On proposera, trois types d’espaces :

· celui privatif, familial : il doit être protégé et garanti

· ceux réellement publics – au sens traditionnel - ouverts et pratiqués par ses habitants – du quartier ou de la planète -

· l’espace résidentiel collectif, partagé par un petit nombre d’habitants sur le mode de la copropriété. Il convient de débattre des jeux d’acteurs et d’appropriations qui se déroulent sur ces lieux pour définir comment un mode relationnel nouveau, probablement constitutif de rapports sociaux, structure désormais – à nouveau ? - les formes urbaines. Le statut n’en est pas plus facile à déterminer, nous dirons collectif, pour ne pas dire privé, CAD approprié par un seul, ni public, CAD approprié par personne. C’est le principe même de l’espace résidentiel qui doit sortir de son statut de recette.



Nota : La manière de vivre l’espace est variable suivant les influences de la population : une ville du sud ne peut se comparer à une ville du nord et ceci ne résulte pas uniquement des variations climatiques. Les influences latines et méditerranéennes proposent une manière de se mettre en représentation sur l’espace public mais ferme au regard les lieux intimes. Différemment une culture germanique ou nordique proposera sobriété et discrétion au regard collectif mais livre, sans volet, les lieux intérieurs, objet d’une forte normalisation.



3. La diversité fonctionnelle, déterminante de l’usage des lieux, apparaît désormais indispensable pour éviter les migrations journalières, peu durables. De même, il est désormais indispensable, pour assurer le lien social, de mélanger les statuts d’occupation de l’habitat, les niveaux socioprofessionnels des populations voisines, les différents modes de vie culturels, communautaires. Pratiquement, on s’aperçoit que sur le principe chacun est d’accord mais que dans la réalité les tentatives réelles suscitent des opposition vigoureuses. Le principe est admis, l’usage en est redouté. En France, la conscience sociale, grâce à la globalisation, désormais aigue considère les regroupements communautaires et sociaux, non voulus, comme désastreux.



DANS LE CONTEXTE DE LA RÉNOVATION URBAINE



L’arrivée de la rénovation urbaine est désormais un élément considérable de la pensée sur la ville. De nouveaux principes urbains peuvent être exprimés, déclinés et testés.

La pensée initiale de la “politique des quartiers” était basée sur le concept de réparation. Il convenait, alors, de compenser le désordre d’une situation fruit de l’échec. Dans cette condition, c’est une action temporaire et localisée qui était attendue. Cela d’autant plus que la solution devait être définitive pour une situation qu’il était déjà conçu comme fermée et unique. Un quartier issu de la tabula rasa et conçu comme un tout ne peut être régi par une vision dynamique dans cet esprit.

Désormais au regard de l’accélération du processus urbain, de l’augmentation du nombre de quartiers touchés, de la banalisation des difficultés ressenties, le principe établissant la ville comme un processus peut être exprimé et retenu.

L’enjeu est, alors, celui de la recomposition permanente, de la fabrication de traces durables, il convient de prendre des risques de laisser des incertitudes, de faire confiance au processus une fois la trame donnée, étant entendu que la culture collective et le consensus social suffiraient à tenir le projet.

La condition n’est évidemment pas mince !



Au début du XXIe siècle, on peut définir la ville comme une “espérance collective” Ce terme recouvre la collectivité de l’humanité dans le temps et dans l’espace. Ainsi la ville dans la durée, se partage entre les générations et par un long cheminement vers des modifications successives, redondantes, contradictoires, permet la sédimentation nécessaire à la fabrication de la valeur historique et la richesse des subtilités. Une sorte de retour aux sources qui se profile.



La rénovation urbaine, que l’on préférerait appeler le renouvellement urbain, est une occasion unique de repenser la ville sur un consensus social. Ce consensus est évidemment un peu fallacieux mais sera fortement dynamisé par celui, encore flou, mais décisif, du développement durable. Avant que le sujet ne soit accaparé par les techniciens de tous poils, il convient de l’utiliser pour fabriquer des philosophies de la cité, de son rôle, de sa tâche dans la société. Une sorte d’éthique de l’action urbaine, à reconstruire depuis un demi-siècle.


PROCESSUS ET QUALITÉ : LA PRÉVALENCE DE L’URBANISME

Avatar du débat éternel entre le collectif et l’individuel, la prééminence du tracé urbain sur la logique immobilière doit être abordée.

D’évidence, le permis d’aménager est une formalité alors que le permis de construire devient le lieu du conflit et du bras de fer. La commande d’urbanisme était bien un produit d’appel par rapport à la maîtrise d’œuvre en bâtiment. Toujours encore, l’enjeu économique de l’aménagement est bien moindre que celui de l’opération de construction.



Cependant il importe que le produit immobilier soit décidé en amont, défini et testé pour rompre avec les principes de l’espace non qualifié et du zoning. Au-delà même des susceptibilités corporatives, il faut que le produit habitat, l’usage, les populations, la densité, le phasage soient décidés en amont. Faute de quoi, il n’y aura débat que sur la forme. Cette dernière étant éminemment discutable, il n’y aura jamais de véritable débat.

Il apparaît, d’ores et déjà, indispensable de revaloriser non seulement la mission de conception urbaine mais aussi les étapes, en particulier, la scénarisation, et les choix politiques qui en découlent.



Nota : ce n’est pas un document administratif, même opposable, malgré toute la précision de sa construction qui fait la qualité mais le projet. Ceci est une question d’outil : le verbe est dépassé par le dessin (dessein ?).




LA NATURE DE LA VILLE



Il faut situer la réalité de la ville avant que de débattre de son rôle, de sa philosophie, et même de sa qualité.

Convenons-en, la ville pensée comme le croisement de voies de circulation, des flux d’hommes et de marchandises n’est pas la même que celle présentée comme l’endroit du partage de la richesse, de la démocratie. Celle du croisement des cultures, des générations et des individus n’est pas celle transformée en valeur marchande, privatisée gardiennée et ouverte à ses seuls bénéficiaires attitrés. Le débat qui se pose actuellement est curieusement très proche de celui qui dut avoir lieu à la fin du Moyen Âge.

Réaffirmer la ville essentiellement comme un lieu public, support de la vie collective, sous le regard du droit unique et gratuit est indispensable pour éviter l’éclatement de la ville et les affrontements de ses composantes, de ses territoires et bien sûrs des hommes qui y vivent, s’y définissent et composent la société.



Au-delà de la réaffirmation de la ville comme symbole, outil et résultat de la forme sociale, il est nécessaire de traiter du rapport entre la ville et le territoire. La limite, outre son intérêt pratique pour la composition, fait partie de la ville. Romulus avec sa charrue, Didon avec une lanière de cuir, définissent Rome et Carthage.

Le débat sur la limite est fondamental pour l’avenir de la ville. Il ouvre ceux sur la gouvernance, sur la métropolisation, sur le réseau des villes, sur le rapport des villes avec le rural c’est-à-dire avec le territoire. La France et l’État centralisateur se définissent comme pays = nation = État = territoire indissociables. Cela complique singulièrement la réponse mais ne dispense pas de poser la question.



À suivre……

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